Cette journée avait débuté comme toutes les autres. Comme chaque matin où je n’étais pas en mission, je m’étais réveillée dans la chambre de mon petit appartement, j’avais servi le déjeuner de Yuko-chan et je m’étais moi-même mise à table. Après un bon repas, j’avais préparé mon sac pour une nouvelle excursion jusqu’à une oasis des environs. Ne sachant pas quand je serais à nouveau appelée à partir en mission, j’avais décidé de rester relativement près du village et n’avait emmené que deux jours de provisions.

La traversée du désert avait toujours été une épreuve de plus pour décourager les shinobis ennemis de venir attaquer Suna. C’était, pour la plupart des gens, quelque chose d’exigeant, mais pas pour moi. J’avais l’habitude du désert. Je le connaissais comme ma poche (si tant est que j’eus une poche dans mon kimono) et savait exactement où se trouvaient les oasis qui le parsemaient. En plus d’avoir l’immense avantage de connaitre tous ces points d’eau, j’avais le très net avantage de maitriser le suiton. Si mes réserves d’eau
venaient à manquer, il m’était donc facile de les remplir.

La marche jusqu’à l’oasis n’avait donc pas été aussi pénible pour moi que pour cet homme qui venait de sortir de l’eau. Il y avait en effet un homme dans mon petit havre de paix préféré. Je n’allais pas pouvoir m’entrainer tant qu’il serait là. Vraiment, je détestais que quelqu’un vienne me déranger quand j’étais à l’oasis et cela arrivait trop souvent à mon gout ces derniers temps. Premièrement, cette femme masquée l’autre jour, et maintenant, cet homme qui reprenait son épée. Enfin, cette fois au moins, c’était plutôt moi qui avais dérangé l’homme et pas le contraire. Prenant mon habituel masque de gentillesse et d’amabilité, que j’avais un peu laissé tomber, me croyant seule avec Yuko-chan, je mis un sourire chaleureux à mes lèvres et m’approchai de l’homme, espérant intérieurement m’en débarrasser le plus tôt possible.

M’approchant de lui, je vis qu’il n’était pas laid du tout. Il éveilla même en moi un sentiment lointain, mais je n’arrivais pas à comprendre de quoi il s’agissait. C’était la première fois, à ma connaissance, que je rencontrais ce shinobi. Il devait avoir quelques années de plus que moi, il était grand et avait quelques perçages qui brillaient sous l’effet de l’eau et du soleil. Il devait avoir une grande force physique, vu la taille de l’épée et des muscles de ses bras. Revenant loin dans mes souvenirs, je compris pourquoi cet homme éveillait un sentiment lointain. Il y avait une nette ressemblance entre lui et Makoto-kun, le garçon que j’avais aimé étant enfant. Il aurait pu être son grand frère… non… son cousin plutôt, il n’y avait pas tant de ressemblances que sa non plus. Oui, définitivement plus un cousin.

Quand je fus assez près de lui, je vis qu’il avait les yeux verts. Les yeux de mon Makoto-kun étaient bruns eux. Le vert, c’était beau aussi, mais ce n’étaient pas les yeux de mon amour décédé. Soudain, je revins à la réalité, que j’avais quelque peu quittée un instant. Je connaissais un autre Sunaien aux beaux yeux verts : Kenjiro-san. Je m’étais emballée un moment devant son physique semblable à celui du seul être que j’aie jamais aimé, mais ces yeux verts venaient de me faire retomber sur terre. Derrière ce physique se trouvait peut-être un gros imbécile arrogant comme mon sensei, ou un macho obsédé par le corps des femmes. Si je m’étais approché avec la ferme intention de le faire décamper au plus vite, c’était maintenant la curiosité et l’espoir d’avoir retrouvé mon Makoto-kun qui me poussa à lui parler.

-Bonjour, je suis désolé, je crois vous avoir dérangé pendant votre baignade. Je ne croyais pas rencontrer quelqu’un ici. Mon nom est Amano Takara. Heureuse de vous rencontrer senpai.

Senpai? J’avais bien fait de l’appeler ainsi non? Il était plus vieux que moi n’est-ce pas? Il était peut-être plus haut gradé que moi, auquel cas j’aurais surement plutôt du l’appeler sensei, non? Et depuis quand est-ce que je me posais tant de questions inutiles moi? Vraiment, s’il suffisait qu’un homme ait une vague ressemblance avec mon Makoto-kun pour me faire perdre ainsi l’esprit, j’étais un peu déçue de moi-même. Il fallait que je me ressaisisse au plus vite.

Spoiler:

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Vraiment, la ressemblance entre cet homme et mon Makoto-kun était frappante. Vu de près, son visage semblait être une copie exacte de celui de mon amour, vieilli de quelques années. N’eut été de ces yeux qui n’étaient pas de la bonne couleur et qui n’avaient pas la même expression, j’aurais pu croire que Makoto-kun n’était pas vraiment mort et que je le retrouvais enfin, après tant d’années. Quand l’homme parla, je perdis encore plus la raison, moi qui tentais désespérément de me ressaisir.

Sa voix ne ressemblait pas à celle du garçon que j’avais aimé, que j’aimais toujours, mais il était mort à l’âge de 8 ans. Je me demandais si la voix du garçon aurait ressemblé à celle de l’homme qui se trouvait devant moi, s’il avait eu le temps de muer. Quoi qu’il en soit, les mots de l’homme étaient tout à fait le genre de paroles qui auraient pu sortir de la bouche de l’amour de mon enfance. Ils étaient chaleureux, semblaient sincères et donnaient étrangement l’impression d’être très respectueuses, même s’il m’avait tutoyé.

Quand il avait dit qu’il s’apprêtait à partir, j’avais ressenti un petit pincement au cœur. Il ne pouvait tout de même pas partir si vite! Je ne me reconnaissais plus. Depuis quand est-ce que je voulais faire la conversation si cela ne faisait pas partie de ma mission? Et puis, n’avais-je pas voulu l’expulser hors de l’oasis quelques instants plus tôt à peine? Je commençais à me ressaisir, prête à le laisser s’en aller. Il ne fit cependant aucun geste dans ce sens. Au contraire, il poursuivit la conversation.

Ainsi donc, il se nommait Iji, de clan des Nikushimi. Je n’avais jamais entendue parler de ce clan et je le regrettais, car j’aurais aimé en savoir plus sur la famille de cet homme, qui venait, sans le savoir, de me confirmer qu’il n’avait aucun lien de parenté avec mon Makoto-kun, malgré leur ressemblance. La deuxième partie de ses paroles me troubla quelque peu. Enfin, j’étais déjà extrêmement troublée, mais je veux dire que cela me troubla d’une autre façon. Il me demandait ce que je faisais dans le coin. Je ne savais pas quoi répondre à cela.

Cet homme me faisait perdre la tête, mais j’étais tout de même encore assez lucide pour me rappeler du personnage que je m’appliquais à présenter au monde depuis déjà plusieurs années. Je détestais que les gens sachent ce dont j’étais capable et m’efforçais de garder ma maitrise du suiton un secret, car cela consistait un bon élément de surprise, les gens ne s’attendant pas à cela venant d’un ninja du sable. Si je révélais à ce Nikushimi que je venais ici dans le but de m’entrainer, il se demanderait certainement pourquoi je prenais la peine de m’éloigner autant du village et je ne saurais quoi répondre à cela sans révéler mon lien avec l’élément aqueux.

Alors que je cherchais un mensonge crédible, il reprit la parole. Il voulait savoir si j’étais nouvelle à Suna. Bien que je fus heureuse de voir que la discrétion dont j’étais si fière arrivait encore à me cacher aux yeux mêmes des habitants de mon village, cette question me peina légèrement. Moi qui aimais habituellement être inconnu de tous, j’aurais aimé qu’il eût entendu parler de moi. Devant cette pensée, je décidai qu’il était plus que temps que je retrouve mon état normal et, faisant de grands efforts pour répondre comme j’aurais répondue à n’importe qui d’autre, je repris la parole en m’inclinant gracieusement devant cet homme qui me faisais bien malgré moi tant d’effet.

-Je suis ravie de faire votre connaissance Nikushimi-senpai. Je dois avouer que je n’ai pas non plus le souvenir de vous avoir croisé au village, j’y ai pourtant vécue toute ma vie, exception faite des trois ans où… enfin, peu importe. Quant à la raison de ma présence ici, je crois que c’est la même raison que vous qui m’as poussé à venir m’arrêter quelques instants dans cette oasis.

Je me demandais pourquoi j’avais évoqué les trois ans que j’avais passés hors du village. Moi qui m’efforçais toujours de ne pas repenser à ces trois ans de captivité en temps normaux. Voulant changer de sujet, je me souvins tout à coup de Yuko-chan, qui frôlait à présent ma jambe gauche.

-De plus, pour être déjà venue ici au par avant, je sais que cette oasis regorge de poissons dont raffole mon chaton. J’ai d’ailleurs oublié de vous la présenter. Elle se nomme Yuko-chan.

Espérant que la chatonne distrairait assez Nikushimi-san pour qu’il ne me pose pas de questions sur mes trois ans loin du village, je ne pus m’empêcher de passer un doigt sur la cicatrice qui ornait toujours mon avant-bras.

Pendant un instant, j’avais cru que Nikushimi-senpai avait remarqué mon mouvement et j’avais eu peur qu’il ne cherche à savoir ce qui se cachait derrière ce geste. Heureusement, il ne releva pas mon geste et me parla comme s’il n’avait rien remarqué. Il s’assit à même le sol, après avoir planté son épée dans le sable chaud. Voulant continuer notre conversation, je choisis de m’assoir aussi, de façon beaucoup moins détendue que lui, plus agenouillée que véritablement assise, les mains posées délicatement sur mes genoux. Yuko-chan vint se blottir sur mes cuisses, à la recherche de caresses.

Effleurant distraitement la fourrure couleur de sable de la chatonne, j’écoutais l’homme qui se trouvait face à moi et qui venait de reprendre la parole. Ainsi donc, il était arrivé au village il y a quatre ans de cela. Après un rapide calcul, je compris qu’il avait dû intégrer Suna très peu de temps après que je me sois fait capturer. Ayant déjà décidé de ne pas parler de cela a quiconque, pas même ce bel inconnu, j’effaçai bien vite cette pensée de mon esprit, mais apparemment Nikushimi-senpai pensait autrement.

Il venait de me demander, de façon on ne peut plus directe, que je lui parle de ces trois ans passés hors du village. Aussitôt, mon trouble passé fit place à un trouble différent. Je ne pouvais pas parler de ce qui s’était passé. Je n’avais mis en mot les évènements qu’une seule fois dans ma vie, il y a un peu plus d’un an, à mon retour au village, quand j’avais expliqué à Gaara-sama ce qui était arrivé. Non, vraiment, je ne pouvais tout simplement pas parler de cela. Surtout pas à un étranger rencontrer quelques minutes plus tôt seulement et ce, même si cet étranger était très séduisant et si ressemblant à mon Makoto-kun. Parlant d’un ton beaucoup moins chaleureux et plus précipité qu’avant, je répondis donc à Nikushimi-senpai.

-Et bien, voilà qui explique que nous ne nous soyons jamais vus jusqu'à présent, d'autant plus que, des quatre ans que vous avez passés à Suna, j’étais ailleurs pendant trois d’entre elles. Cependant, je me vois obligé de ne pas répondre à votre question. Je ne parle pas de ce qui s’est passé durant ces trois années, jamais. Aussi je vous demanderais, s’il nous était donné de nous revoir, de ne plus poser de questions sur ce sujet s’il vous plait.

Me relevant, je fis quelque chose que je ne voulais pas vraiment faire. M’éloignant quelque peu de Nikushimi-senpai, je repris la parole.

-Je ne voudrais pas vous retenir plus longtemps. En tant que shinobi, vous avez surement beaucoup à faire. Je suis moi-même venue ici dans le but de m’entrainer un peu, aussi, je préfèrerais être seule, si cela ne vous dérange pas Nikushimi-senpai.

J’espérais qu’il refuse de partir, mais je ne voulais pas qu’il le sache. Il fallait qu’il comprenne qu’il avait commis une erreur en posant cette question. Je ne voulais pas qu’il remarque que mes yeux le suppliaient de rester, mais, au fond de moi, je ne pouvais m’empêcher de l’espérer. J’avais cru pendant un moment que j’avais peut-être trouvé une deuxième chance d’aimer, mais, à présent, je me répétais que jamais je ne pourrais aimer un autre que Makoto-kun. Une partie de moi voulait croire qu’il serait possible qu’il y ait quelque chose entre Nikushimi-san et moi, mais je ne pouvais me résoudre à me laisser aller. Pas comme ça, pas maintenant.

Quel était donc ce sentiment qui avait déformé les traits de l'homme assis devant moi pendant quelques secondes? Du regret? De la déception? De la tristesse peut-être même? Quoi qu'il en soit, je crus voir à sa réaction qu'il n'avait pas envie de partir et une partie de moi en fut énormément heureuse. Loin de s'en aller comme je le lui avais demandé, Nikushimi-senpai demeura assis sur le sable et accepta d'une voix calme de ne plus reparler de ce sujet que j'évitais avec tant de soins.

Il me proposa ensuite de m'aider dans mon entrainement. Je ne savais plus quoi répondre. D'un côté, je ne voulais pas dévoiler mon lien avec l'élément aqueux que j'étais venue apprivoiser un peu plus, mais, d'un autre côté, j'avais très envie que cet homme reste avec moi. Je me demandais si Nikushimi-senpai valait vraiment la peine que je révèle le secret jusqu'ici plutôt bien gardé qu'était mon affinité pour le suiton.

Normalement, je m'en serais remise au jugement de Yuko-chan, qui avait un véritable don pour savoir si une personne représentait un quelconque intérêt. Je n'avais jamais regretté d'avoir suivis son jugement, sauf, peut-être, en ce qui concernait mon sensei. Cependant, en lui jetant un regard, je sus qu'elle ne m'aiderait pas sur ce coup là, trop fâchée qu'elle était que je me sois relevé sans faire attention à elle, l'envoyant rouler par terre. Elle s'éloignait déjà vers l'oasis, à la recherche de poissons bien juteux. Décidant de m'en tenir à mon propre jugement pour cette fois, je répondis à Nikushimi-senpai.

-En fait, je préfère m'entrainer en solo, mais il fait un peu trop chaud pour l'instant, je crois que je vais attendre un peu avant de commencer l'entrainement. Si vous voulez me tenir un peu compagnie, j'en serais ravie, puisqu'il semble que mon amie à quatre pattes m'en veuille de m'être levée un peu trop vite tout à l'heure.

L'excuse de la chaleur me paraissait plausible puisque, depuis le début de notre conversation, l'eau qui trempait les vêtements de l'homme devant lequel je me trouvais avait eu le temps de sécher complètement. Je croyais même apercevoir une goutte de sueur perler sur son front. On voyait clairement qu'il n'était pas né dans le désert et qu'il n'était pas encore totalement habitué à la rigueur du climat. La chaleur n'avait eu que peu d'effets sur moi, mais il croirait surement à cette excuse. Voulant reprendre la conversation et étant un peu curieuse d'en savoir plus sur cet homme, je lui posai une question.

-Alors, vous avez dit ne pas avoir grandi à Suna. Puis-je vous demander d'où vous venez?

La réponse de Nikushimi-senpai était plutôt évasive, comme s'il voulait me cacher quelque chose. Je l'avais mérité après tout. Je m'étais énervé à cause d'une simple question et j'avais refusé catégoriquement de lui révéler quoi que ce soit sur mon passé alors il avait bien le droit de ne pas tout dire. S'il voulait garder son passé pour lui, je n'allais pas le forcer à m'en parler. Je parlais moi même rarement, pour ne pas dire jamais, de mon passé, qui m'est trop douloureux à évoquer. Je devais donc trouver un autre sujet de conversation, ce qui n'était pas mon fort. J'avais l'habitude de parler que très peu, quand on me posait une question ou quand je devais le faire dans le cadre d'une mission. J'ignorais comment faire la conversation à un ami.

Un ami? Nikushimi-senpai était-il un ami? Certainement pas! Je n'avais aucun ami, exception faite de Yuko-chan, qui m'avait déjà sauvé la vie. Je ne pouvais certainement pas considérer cet homme que je venais de rencontrer comme un ami! D'ailleurs, j'avais peur de cette pensée, mais je me demandais si je voulais vraiment seulement l'amitié de l'homme qui était devant moi. Cette conversation devenait beaucoup trop personnelle à mon gout, il fallait revenir à un sujet plus sain. Je n'eus pas à chercher très loin, car Nikushimi-senpai m'offrit un tel sujet sur un plateau d'argent.

-Toutefois, j'apprécie ce pays. Le climat est certes un défaut, mais, en tant que Shinobi, je vois ce dernier masqué par d'autres avantages. Qu'en penses-tu ?

Voilà qui était parfait comme sujet à aborder entre deux ninjas de Suna: le pays et son climat. C'était simple, léger et aucun risques de réveiller des souvenirs douloureux. Le souvenir de Makoto-kun, allongé dans son propre sang, les yeux vides de vie, menaçait constamment de me revenir, chaque fois que je regardais le visage de cet homme, dont je ne revenais toujours pas de sa ressemblance avec mon amour de jeunesse. Il était inutile d'aborder des sujets qui se rapprochaient trop de ces tragédies qui parsemaient mon passé. Le climat, c'était décidément parfait comme sujet.

-Je ne crois pas que le climat ne soit nécessairement un défaut du pays. Il est vrai que la chaleur est désagréable pour ses habitants, mais elle est parfois insupportable pour les étrangers. Le climat de Suna est donc, selon moi, un net avantage, une défense naturelle qui dissuade bien des bandits et nukenins de venir attaquer le village et aide à garder notre village caché... caché. Il est vrai que cet avantage peut aussi être un désavantage pour les ninjas alliés de notre village qui n'ont pas grandit dans ce climat, mais chaque village à ses bons et ses mauvais côtés je crois. Nous avons au moins quelques oasis pour nous rafraichir.

Regardant l'étendue d'eau près de laquelle Yuko-chan dégustait le poisson qu'elle venait d'attraper, je me surpris à avoir envie d'aller m'y baigner. Je n'avais plus eu une telle envie depuis quelques mois après mon retour à Suna, quand j'avais eut finie d'apprendre à nager avec aisance dans cet élément dont j'avais décidé de faire mon arme principale. Il n'était cependant pas question que j'ose me baigner avec Nikushimi-senpai. M'approchant de l'eau, je choisis donc de me contenter de me tremper les pieds. M'asseyant sur la rive, j'entrepris de retirer mes souliers.

Nikushimi-senpai m'avait rejoint sur la rive, mais était demeuré hors de l'eau. Je ne pouvais m'empêcher d'y voir un signe d'intérêt. Il ne semblait pas avoir envie de se remettre à l'eau, mais il était quand même venu s'installer sur la rive pour poursuivre notre conversation. Je vis ses yeux se poser sur Yuko-chan et je pris peur pendant un instant. Normalement, les gens ignoraient complètement le chaton ou alors ils devenaient condescendants avec moi en la voyant, croyant que je la gardais avec moi par faiblesse, par peur d'être seule ou quelque chose du genre.

Contrairement aux autres, il sembla s'intéresser sincèrement à l'animal et au lien qui nous unissait. Je me demandais s'il comprendrait, si je lui expliquais la vérité. Ce qui me liait à la chatonne était quand même assez invraisemblable et peu commun. Jamais personne n'avait compris ce qu'il y avait vraiment entre nous deux. Réfléchissant un peu, je compris que je pourrais me servir de cela pour tester un peu l'homme qui se trouvait à mes côtés. Je savais que le seul être que je n’aie jamais connu qui aurait pu comprendre la relation que j'entretenais avec Yuko-chan était mon Makoto-kun. Si Nikushimi-senpai pouvait comprendre, ne serait-ce que partiellement, je le considèrerais alors digne d'intérêt et j'arrêterais de jouer la comédie avec lui. Du moins, j'essaierais, car après avoir joué un rôle durant la majorité de ma vie, j'ignorais si je serais capable de redevenir vraiment moi même un jour. C'est donc après un silence légèrement trop long que je pris la parole pour tenter d'expliquer ce qui me liait au chaton couleur de sable.

-Yuko-chan... m'a sauvé la vie il y a de cela environ un an et, depuis, elle ne me quitte pratiquement jamais. Elle à un don pour juger les gens. Elle a vu quelque chose en moi et m'a choisi. J'ai bien essayé de la convaincre de partir, mais rien à faire, elle refuse de me laisser seule. Elle n'est pas un animal de compagnie, c'est ma meilleure amie... ma seule amie en fait. Elle me comprend aussi bien que si elle pouvait lire dans ma tête, mais je ne la comprends pas aussi bien. Je fais confiance à son jugement. Elle sait à qui je devrais faire confiance ou non et ne s'est encore jamais trompée. Enfin, sauf peut-être pour mon sensei, qu'elle semble apprécier autant qu'elle m'aime moi et je ne comprends vraiment pas ce qu'elle voit dans cet être arrogant et imbu de lui même... Je sais que tout cela doit te sembler étrange, mais, pour être parfaitement honnête, c'est la première fois qu'elle ne me fait pas savoir tout de suite ce qu'elle pense de quelqu'un et je n'aime pas vraiment ça. Cela fait plus d'un an que je me fie à son jugement sans me poser de question, mais j'ignore complètement ce qu'elle pense de toi. Je n'arrive pas à savoir si je devrais vraiment te faire confiance ou pas... mais j'ai envie d'essayer.

Une fois que j'avais commencé à me confier, je n'avais pas pu m'arrêter et j'en avais dit beaucoup plus que je ne l'aurais voulue. J'avais même été jusqu'à le tutoyer. Il aurait été étrange de lui confier autant de choses tout en le vouvoyant. Je venais de jouer le tout pour le tout. Si sa réaction n'était pas comme je le voulais, je lui demanderais de partir et je reprendrais ma vie comme si rien ne s'était passé. Si je venais à le recroiser, je l'ignorerais. S'il n'était pas capable de comprendre ce que je venais de dire, il n'en valait pas la peine.

J'essayais de me convaincre que j'en serais capable, tout en guettant sa réaction et en souhaitant qu'elle soit comme je l'espérais. Après tout, si je devais vraiment me séparer de lui, cela ne ferait qu'un évènement de plus à refouler. Il irait rejoindre la mort de Makoto-kun et mes trois ans de captivités dans le fond obscur de ma mémoire. Cet endroit que j'évitais si soigneusement, mais qui réussissait toujours à refaire surface. J'avais choisi la vie de ninja pour rendre les autres heureux, pas pour être heureuse moi-même. Je n'étais pas capable d'être heureuse et je ne le serais jamais vraiment, peut importe ce qui arriverait avec Nikushimi-senpai... mais peut-être que, avec lui, je pourrais me rapprocher un peu de ce bonheur qui m'avait été enlevé il y a longtemps de cela.

Nikushimi-senpai ne comprenait pas ce que je venais de lui dire, je le voyais dans ses yeux. Comment aurait-il pu comprendre? Personne ne pourrait comprendre sans avoir vécu ce que j’ai vécu. Comment Nikushimi-senpai pourrait-il comprendre alors qu’il ne connaissait même pas mon histoire. Je me disais que Makoto-kun aurait comprit, parce qu’il me comprenait toujours, mais j’avais peut-être tort. Je ne l’avais connu que quand nous étions enfants. Je n’avais pas connu tous ces malheurs à l’époque et mon cœur d’enfant ne contenait pas tant de blessures. Peut-être Makoto-kun aurait-il été incapable de comprendre lui aussi.

Contrairement à ce à quoi je m’attendais, l’homme qui était assis près de moi ne rit pas de ce que je venais de dire. Bien qu’il ne comprenne pas ce qui me liait à Yuko-chan et qu’il ne croyait surement pas ce que je lui avais dit, sa réponse ne contenait pas le moindre soupçon de moquerie.

-Eh bien... Peut-être Yuko-Chan pense-t-elle qu'il est temps pour toi d'apprendre à juger de par tes propres
moyens ?

Il n’y avait rien de déplaisant dans les yeux verts de Nikushimi-senpai alors qu’il disait cela. Son regard était rempli de sincérité et d’intérêt pour son interlocutrice. Peut-être avait-il même raison sur les intentions du Yuko-chan. Détournant mon regard des yeux du shinobi de Suna, je regardai Yuko-chan. Elle était toujours en train de manger son poison comme si de rien n’était.

-Tu as beaucoup de chance de l'avoir en tant qu'amie, et elle... en a probablement autant pour avoir rencontré une personne telle que toi.

Une personne comme moi? Que voulait-il dire par là? Avec cette simple phrase, il avait complètement chassé Yuko-chan de mes pensées. Mes yeux étaient à nouveau sur lui. Scrutant le moindre de ses traits, j’essayais de le comprendre.

-Je ne souhaite pas interférer dans ton jugement, mais j'espère toutefois que tu feras le bon choix.

Faire le bon choix? J’ignorais quel choix j’étais sensé faire. Me laissant tomber au sol, je levais les yeux au ciel. Alors que je fixais le ciel sans nuage sans vraiment le voir, je me demandais si la réponse que m’avait donné Nikushimi-senpai était acceptable. Il ne comprenait pas ma relation avec Yuko-chan, mais il semblait ouvert à faire des efforts pour comprendre. Il semblait vraiment vouloir me connaitre. Je ne savais plus quoi penser.

Tournant la tête pour pouvoir l’observer en détail. Je compris alors que c’était maintenant que je devrais choisir si j’étais avant tout humaine ou kunoichi. Depuis que j’avais décidé de devenir ninja, j’avais vécue comme une arme, sans émotions, ou du moins j’avais essayé. Si je devais revoir Nikushimi-senpai, je savais que je serais bien incapable de retenir les émotions que réveillait en moi ce sosie de mon amour d’enfance. J’avais toujours considéré les ninjas qui suivaient leurs émotions comme étant moins bons que ceux qui étaient capables de faire abstraction de leurs sentiments. Le meilleur exemple auquel je pouvais penser était certainement mon sensei, qui s’emportait dès que quelqu’un parlait en mal de notre village.

J’ignorais si cela ferait de moi une moins bonne ninja, mais j’avais envie de revoir Nikushimi-senpai. Me disant que, tant que nous n’étions pas envoyés en mission ensemble, il n’y avait pas de raison pour que cela affecte mes capacités, je choisis de rester humaine. Continuant de le tutoyer, j’annonçai donc mon choix à l’homme qui se trouvait à côté de moi.

-La journée est déjà bien avancée et je n’ai toujours pas commencé à m’entrainer. As-tu l’intention de rentrer au village avant la nuit? Si c’est le cas, tu devrais partir bientôt. Pour ma part, j’avais l’intention de m’entrainer ici quelques jours, mais je crois que j’ai plutôt envie de rentrer m’entrainer au dojo. Au final, même si je ne me suis pas entrainé, cette petite escapade aura été plutôt profitable pour tout le monde. Yuko-chan semble s’être régalé avec ce poisson. Quant à moi, j’ai fait une agréable rencontre. J’espère que ce n’était pas la dernière fois que nous nous voyons Nikushimi-senpai.

Quand le shinobi de mon village s’était relevé, je m’étais assise pour pouvoir le regarder sans faire de contorsions étranges. Alors qu’il ramassait son épée à la taille démesurée, il me confirma que nous nous reverrions. Il dit même qu’il en ferait une priorité. Je n’étais pas certaine de comprendre ce qu’il voulait dire par là, mais, après tout, tant qu’on se revoyait ça m’allait. Je me demandais cependant quand est-ce que nous aurions la chance de nous revoir. J’espérais ne pas avoir à attendre trop longtemps.

Après avoir fixé son arme dans son dos, Nikushimi-senpai se retourna pour me proposer de l’accompagner jusqu’au village. En disant que j’avais envie d’aller m’entrainer au dojo, j’avais espéré qu’il me fasse cette offre, alors je n’allais certainement pas la refuser. Je ne savais pas quand est-ce que j’aurais la chance de le revoir, alors autant tirer le maximum de cette première rencontre.

-Ce sera avec plaisir Nikushimi-senpai.

Alors que lui s’était levé pour aller récupérer son arme, je me levais pour aller récupérer mon chat. Yuko-chan, qui avait enfin fini de déguster son poisson, me sauta joyeusement dans les bras quand je fus assez près d’elle. Visiblement, son repas lui avait permis de se défâcher. Elle avait oublié le petit incident de tout à l’heure. Peut-être que maintenant elle allait me faire savoir ce qu’elle pensait de Nikushimi-senpai, mais, pour une fois, je n’allais pas me fier à son avis. Même si elle n’aimait pas cet homme, j’allais quand même essayer de voir ce qui arrivera avec lui.

Alors que Yuko-chan prenait place sur mon épaule, j’allais rejoindre le shinobi avec qui j’allais retourner au village. En faisant l’aller-retour du village à cette oasis dans la même journée, j’avais perdu un temps fou, mais bon, cela faisait longtemps que je n’avais pas fait autre chose que l’entrainement et les missions alors je pouvais bien prendre une journée de congé. Au moins, j’allais pouvoir faire une épreuve d’endurance en faisant le chemin du retour sans utiliser le suiton pour me rafraichir. Je n’avais pas révélé à Nikushimi-senpai mon affinité peu commune pour un ninja du sable et c’était très bien comme sa.

Alors que nous prenions le chemin du retour, j’entrepris de trouver un nouveau sujet de discussion. Ne voyant rien d’autre que l’arme du shinobi, je choisis de commencer la discussion en parlant de cela. Nous verrions bien où cela nous mènerait.

-Ce n’est pas très commun cette arme que tu as là. Il doit falloir une bonne technique pour être capable de la manier efficacement et une certaine force pour la trainer tout le temps non?

Je n'aimais pas vraiment la question que venait de me poser Nikushimi-senpai. J'avais toujours détesté cette question, car j'aimais que les gens me sous-estiment. Cela me donnait l'avantage lors des combats, car une personne certaine de se victoire ne se donne pas autant à fond que s'il en avait douté. D'un autre côté, je voulais que l'homme qui marchait à côté de moi me prenne au sérieux. Je ne pouvais donc pas répondre que je venais à peine de devenir chuunin et que je ne valais pas grand chose comme je l'aurais fait normalement. Je choisis donc de dire la vérité. Je me savais plus puissante que bien d'autres shinobis de mon rang de toute façon alors je pouvais encore paraître moins forte que je l'était réellement en disant mon véritable grade.

-Je suis chuunin.

Voilà. C'était simple, mais efficace. Je ne me rabaissait pas, mais je ne vantais pas non plus mes mérites. Parfais.
Parfais pour bien paraître comme je voulais paraître, mais pas génial pour faire la conversation. Je lui renvoyai donc la question, autant pour faire la conversation que par intérêt sincère, car, pour la première fois depuis longtemps, je m'intéressait vraiment à une personne. Pas par intérêt pour ce qu'il pourrait m'apprendre pour me rendre plus puissante, mais simplement par intérêt personnel.

Le village était encore assez loin. La conversation allait durer encore quelque temps. Ensuite, nous nous séparerons une fois aux portes du village. Je ne savais pas si je le recroiserais un jour et je ne savais pas si j'en avais vraiment envie. Mon coeur le souhaitait, bien sur, mais j'avais appris à faire taire mon coeur depuis que j'étais devenue une arme au service du village. Je ne savais plus très bien quoi pensé, mais, pour la première fois depuis la mort de mon Makoto-kun, je commençais à croire qu'il y avait peut-être encore une chance pour que je vive heureuse, en humaine et non comme une arme au service de Suna et du kazekage. Une vie autre que celle de kunoichi.
Je ne savais plus quoi penser.

[fini]

AMANO TAKARA
Neuf publications

Rebonjour la miss !
Alors, comme je l'ai dit tout à l'heure, quelques petites fautes qui traînent et qu'il faut éradiquer ! Intérêt à ce qu'il y en ait moins aux prochains rp que tu feras, hein ? :p
Cela dit, agréable à lire, Amano n'est pas très douée sur le plan social à ce que je lis, tiraillée entre le paraître et son désir ! Petits écrits amusants ♫.

POINTS ACCORDES : 24 points