Un petit Kenshin s’en allait au loin pour réaliser une nouvelle fois son triste destin, tandis que l’esprit d’un Kenshin adulte et conscient d’une anomalie dans son rêve prenait un tout autre chemin. Il restait cependant tiraillé car, bien que sachant d’ores et déjà l’issue de son rêve, il ne parvenait pas à s’en exclure totalement, se disant que peut être, cette fois-ci, les choses pourraient être différentes. Cet écart entre les deux volontés du ninja de partir d’un côté ou de l’autre de son rêve se traduisait physiquement par des bronchements et des gigotements réguliers qui faisaient à chaque fois grincer son lit. Mais dans son rêve tout était clair lorsqu’il n’était plus lui-même, lorsqu’il n’était plus le jeune Kenshin déboussolé. En tant que spectateur, il pouvait ne ressentir que plus faiblement la tristesse qui allait découler de son histoire, il pouvait faire abstraction de cette future peine pour voir ce qu’il n’avait pas vu ce soir là. Et ce qu’il croyait ne pas avoir vu était une sorte de distorsion de l’espace dans la rue, comme une zone floue qui se dessinait entre deux bâtiments.

En s’y dirigeant, il pu ressentir un chakra différent du sien émaner des lieux et pu alors se rendre compte, par la même occasion, qu’il pouvait en partie utiliser ses facultés de ninja dans ses rêves. Cela pour être un atout majeur dans sa quête de réponse, tout comme ce qui se cachait dans ce coin de la rue. Il se dépêcha donc de rejoindre la zone floue, pensant y trouver un ninja qui aurait tout vu du meurtre et qui pourrait peut être renseigné Kenshin sur ce qui lui échappe encore. Mais au lieu de cela, ce fut un enfant qu’il rencontra. Elle ne parut pas effrayée de voir le ninja s’avancer, contrairement à un petit animal qui l’accompagnait et dont on pouvait voir, même dans le noir, la laine trembler. Il ne vint pas une seule seconde à l’esprit de Kenshin que cet individu pouvait être extérieur à son rêve. Premièrement parce qu’il n’avait jamais entendu parler de telles pratiques, et deuxièmement parce qu’il ne pouvait pas concevoir qu’un enfant puisse réellement lui faire du mal. Il n’avait donc aucune raison de rejeter la présence d’un étranger dans ses songes et il la considéra comme un simple mais néanmoins capital témoin de son histoire.

Avait-il chuchoté, pensant que son autre lui pourrait l’entendre. Il avait appelé l’enfant « petit », ne pouvant distinguer son sexe dans la pénombre. Mais devant la réaction de celui-ci, il fut évident que Kenshin avait bel et bien affaire à une demoiselle.

*Ah … Ce n’était pas un garçon donc …* se dit Kenshin avec un air dépité en voyant la petite fille courir à toutes jambes. Tandis qu’elle filait vers l’horizon obscur où plus aucune lumière ne pouvait l’atteindre, le shinobi comprit qu’en voulant la ramener vers lui ainsi il pouvait l’avoir vexé ou effrayé. Un simple « Ca va » aurait au final pu suffire pour attirer l’enfant sans la brusquer plus que cela. Cependant, même s’il n’y connaissait rien en la matière et qu’il s’introduisait dans son propre rêve pour la première fois, Kenshin fut surprit de constater, contrairement à ce qu’il pensait, que la jeune fille puisse le voir, et surtout changer son comportement par rapport au déroulement habituel de ce rêve où elle n’était pas censé bouger avant le départ du jeune meurtrier. Quelque chose sonnait donc faux pour Kenshin, et le seul moyen de vérifier ses hypothèses s’était enfuit aussi vite qu’un lièvre dans un lâcher du même nom. Il pouvait donc se trouver n’importe où dans le village étant donné que le shinobi lui avait laissé une bonne minute d’avance, temps nécessaire pour retrouver une vue normale après les multiples griffures qu’avait pu laisser la petite furie.

Sa course ne tarda cependant pas plus longtemps et il s’engouffra à son tour dans la ruelle, sans même tenir compte de son jeune double qui aurait pu le remarquer. Etonnement, ses enjambées étaient plus fluides, il n’avait aucune peine à soulever ses jambes, comme s’il ne pouvait être fatigué et ce même en allant plus vite que jamais. Cette première course sonna donc comme une prise de conscience pour Kenshin qui pu ainsi avoir un avant-goût des possibilités offertes par ses rêves. Toutefois, courir vite et longtemps n’était qu’un relatif avantage dans une nuit plus noire encore que le charbon, où les seules lueurs que l’on pouvait apercevoir émanaient des quelques rares appartements encore habités à cette heure tardive. Kenshin ne pouvait donc compter que sur son expérience pour ressentir les chakras et sur une technique de détection simple, peu fructueuse, mais toujours nécessaire :

Tout en prononçant suffisamment fort ces paroles pour pouvoir être entendu dans un large rayon, le rouquin ralentit le rythme de sa course pour être moins gêné par le son du vent, bien plus tenace lorsque l’on pénètre l’air à grande vitesse. Il était donc désormais parfaitement à même d’entendre une réponse ou même un déplacement, aussi bref soit-il. Mais toujours rien ne se faisait entendre, et Kenshin commençait à désespérer de ne jamais pouvoir retrouver cette fillette qui pouvait pourtant être la pièce manquant à son complexe puzzle. Après une dizaine de minutes il cessa donc complètement sa course. L’envie d’en savoir plus sur cette demoiselle était toujours aussi vivace mais il était tout simplement perdu, il ne savait pas où chercher ni de quelle façon. Il décida donc de prendre son temps pour faire une nouvelle tentative de repérage, en se concentrant cette fois-ci sur son ouïe. Ainsi, de la même manière que ses jambes ne subissaient pas de fatigue, ses oreilles purent percevoir distinctement tous les sons qui l’entouraient, du léger battement d’aile d’un papillon aux tremblements incessants d’un petit mouton apeuré.

Kenshin était devenu difficilement impressionnable, après toutes ces années passées à souffrir tout en subissant l’entrainement rude de la Racine, mais ses yeux s’écarquillèrent et un frisson parcouru son dos lorsqu’il se rendit compte de ce qu’il était en train de faire. Ses sens étaient surdéveloppés, il ne ressentait pas la fatigue et il restait surement encore une foule de chose auxquelles il avait accès sans le savoir. Alors, puisqu’il avait repéré à l’oreille la position approximative de sa petite proie, il y avait une chose qu’il voulait essayer avant de l’attraper pour de bon. En effet, l’élément qui l’empêchait réellement de repérer la petite fille était tout simplement le manque de lumière, puisque les rues qu’il empruntait étaient remplies de caisses en tous genres. Il était donc facile pour l’enfant de s’y faufiler, et extrêmement ardu pour le shinobi de la retrouver.

Il essaya donc, malgré un esprit habituellement rationnel qui n’aurait jamais tenté une telle manipulation en-dehors d’un rêve, de se concentrer sur une des caisses placées devant lui, parmi les seules qu’il pouvait distinguer, et de la soulever. Il ne savait pas comment s’y prendre, ne sachant même pas si son expérience pouvait aboutir positivement. Il prononça donc des ordres à haute voix, des « Soulèves toi » discrets notamment. Puis, après ces essais infructueux, il pensa simplement avec intensité à ce qu’il voulait, et lorsqu’il rouvrit les yeux, la caisse se trouvait déjà plus de deux mètres du sol. Devant le surréalisme de son acte, Kenshin se déconcentra totalement et fit chuter l’objet qui vint s’écraser juste devant lui, manquant de peu de l’écraser. La violence du choc fit se briser en partie les planches de bois qui composaient le conteneur, forçant le shinobi à s’écarter du point d’impact. Ce petit retour à la réalité physique de ses capacités ne lui permettait cependant pas de réaliser ce qu’il venait de faire, mais aussi et surtout ce qu’il pouvait faire. Et ce dont il avait envie, pour connaitre la vérité sur son histoire, c’était de débusquer la jeune fuyarde. Il ne lésina donc pas sur les moyens et s’attaqua directement à ce qu’il pouvait trouver de plus gros

*Tourne !* Pensa-t-il avec passion. Il ne savait pas s’il y avait une formule magique ou une manière de faire, toujours était-il qu’en fermant les yeux et en se concentrant avec intensité, il était parvenu à soulever une caisse de bois. Pourquoi, donc, ne pourrait-il pas faire tourner la Terre ? *Allez tourne bon sang !*, et comme si l’univers entier lui obéissait, le sol se mit effectivement à bouger. Ce ne furent pas les sensations d’un tremblement habituel qui pourraient causer toutes les catastrophes imaginables, mais bien une impression de vitesse. Et la preuve la plus flagrante de celle-ci ne fut autre que l’apparition rapide du soleil. On le vit d’abord pointer timidement, irisant l’horizon de ses douces couleurs, puis beaucoup plus franchement, jusqu’à atteindre son point le plus haut, où le laissa volontairement Kenshin. En rouvrant les yeux, il ne pu en revenir lui-même. Il venait de modifier l’ordre naturel tout entier juste par la pensée et cela lui faisait complètement oublier où il était : un cauchemar. Il se souvint cependant rapidement de sa mission, repartant au plus vite dans la direction où son ouïe hyper sensible le guidait. Il aurait tout aussi bien pu essayer de voir à travers les caisses ou de tâcher de tout savoir sur tout, mais cela n’aurait pas été très utile étant donné qu’après quelques mètres de course il tomba nez à nez avec la demoiselle. Elle s’était enfouie entre deux caisses qui en supportaient une troisième et qui ne laissait donc voir que le haut de ses cheveux violets.
Réentendre cette petite phrase à peine modifiée remémora au shinobi les douloureuses griffures qu’il avait encore au visage, ainsi que la potentialité que la jeune fille ne bondisse à nouveau pour recommencer en l’entendant. Il s’empressa donc de rajouter :

Il essayait tant bien que mal de sourire, mais à dire vrai, cela faisait bien longtemps qu'il avait oublié comment faire...

La première chose qui vint à l’esprit de Kenshin, en voyant ce petit être en rogne, fut un certain respect pour le courage dont elle faisait preuve malgré sa différence de taille avec son adversaire. Il se dit alors qu’elle pouvait être inconsciente du danger que le shinobi pouvait représenter ou bien simplement peu prudente, mais elle n’aurait dans de tels cas pas eu besoin de prendre ses jambes à son cou quelques minutes auparavant. Il en conclu donc sans hésiter plus longtemps qu’elle était l’inverse total de son compagnon laineux, fonceuse et casse-cou. Son petit mouton était d’ailleurs resté derrière elle, ne voulant pas risquer de prendre un mauvais coup. Mais la jeune fille semblait ne pas s’en soucier et même être prête à en découdre avec le rouquin.

C’était comme si Kenshin avait parlé directement à un mur. La petite fille n’avait absolument rien à faire de ce que l’on pouvait lui dire, comme si de toutes les façons, rien ne pouvait être dit pour la faire changer d’avis. La colère mêlée à la peur que l’on pouvait lire dans ses yeux expliquait sa position défensive face aux propositions maladroites du shinobi. Mais que pouvait-il faire d’autre ? Son dernier contact avec un enfant devait remonter à plus dix ans, lorsqu’il était encore sur les bancs de l’école. Il tenta donc de lui montrer toute sa sincérité, comme il l’aurait fait avec un réel adversaire, ou plutôt avec un adversaire à sa taille, et lui tendit le seul sabre utilisable qu’il avait à la ceinture. Il espérait que par ce geste elle puisse comprendre sa bonne volonté, sa passivité et surtout son réel besoin de l’entendre prononcer un mot. En effet, depuis leur plus ou moins bonne première rencontre, elle n’avait toujours pas ouvert la bouche et faisait passer ses ressentiments par son regard, qu’elle avait d’ailleurs encore sévère. Elle prit l’arme en gardant la même expression rivée sur le visage mais ne broncha pas plus.

Kenshin ne croyait même pas à ce qu’il disait. En effet, au vu du caractère bien trempé qu’avait cette jeune fille, il paraissait totalement invraisemblable qu’elle ne proteste pas, même une seule fois, pour réprimander le shinobi sur son comportement. Elle semblait d’ailleurs du même avis puisqu’en entendant les paroles de Kenshin elle écarquilla les yeux de surprise, avant de froncer à nouveau sévèrement ses sourcils et de secouer la tête de gauche à droite pour lui montrer son désaccord. Elle eu ensuite un long soupir et un une expression désespérée, comme si le rouquin était le dernier des imbéciles, capable des plus grandes prouesses au combat mais sous-doué pour le reste. En comprenant cela, Kenshin prit la mouche et commença à regretter d’avoir suivit cette enfant bornée et muette de surcroit. A quoi pourrait-elle bien lui servir si elle ne pouvait même pas utiliser sa propre langue ? Il en arrivait même à se demander si elle avait pu voir la dramatique scène de là où elle se trouvait, à se demander, donc, si elle pouvait au final en savoir plus que lui sur cet événement. Il n’aurait en tous cas eu aucun intérêt à la tuer sur place, surtout dans un rêve, mais la secouer pour lui faire trouver un moyen de communiquer par elle-même lui semblait être une bonne chose.

Donc, l’empoignant rapidement par les épaules, d’où il pouvait faire pression sur ses bras pour les plaquer contre son corps, il la secoua vivement d’avant en arrière, rapprochant son visage de celui de l’enfant sans même le vouloir et se mettant ainsi à portée de morsure. Il savait la fillette capable des pires gestes pour se sortir du pétrin, en ayant déjà fait les frais, mais tout ce à quoi il pensait était de la faire parler à tout prix, pour pouvoir ne serait-ce qu’espérer en savoir plus sur l’événement qu’il considèrait déjà comme la fin de son existence.

Et sous les beaux yeux verts de Kenshin, grand ouverts pour la première fois depuis des années, elle s’exécuta.

Un nez et des bijoux de famille en moins, Kenshin savait maintenant parfaitement à quoi s’en tenir, ou plutôt se tenir, après le passage de la petite furie, encore trop craintive pour oser révéler son nom. Se faire secouer par le shinobi lui avait semble-t-il permit de retrouver la parole, et il paraissait clair maintenant au rouquin, que la brusquer un peu pouvait déboucher sur des résultats concluants. Au détail près du sacrifice majeur de ses parties, qui lui faisaient encore souffrir le martyre. Kenshin aurait voulu la découper en petites rondelles, couvrir le sol de son sang et faire brûler tout en les contemplant les restes de son corps. Mais tout ceci il ne pouvait pas y penser parce qu’enfin, elle parlait, et même si le dialogue pouvait paraître un totalement fermé, au moins, elle parlait.

Non seulement elle parlait, mais elle savait en plus quoi dire, comme si tout ce qu’elle avait pu voir jusque là était resté contenu en elle et qu’elle y déversait à présent en un seul flot de reproches au shinobi. Tout d’abord, elle l’accusait de meurtre, et elle n’avait pas tort, mais comment lui expliquer qu’elle était dans un rêve et que le Kenshin qui lui faisait face n’était pas celui qu’elle avait pu voir commettre son crime, mais celui du présent, songeant une nouvelle fois à ce dramatique accident. Même si elle paraissait très éveillée pour son âge, il n’aurait pas été facile d’expliquer à une enfant comment pouvaient fonctionner les divers espaces-temps, et comment Kenshin pouvait maîtriser ce lieu qui était son rêve, sans compter qu’il n’en savait rien lui-même. La suite de la phrase, prononcée par la petite tornade, était toutefois encore plus intéressante pour le shinobi. En effet, comment un membre à part entière de son rêve aurait pu imaginer une seule seconde être dans un rêve ? De plus, comment aurait-elle pu avoir conscience d’être dans un espace imaginaire contrôlé par Kenshin lui-même ?

Les autres reproches n’eurent à partir de ce moment là plus aucun écho dans l’esprit du shinobi. Il y avait là un os qu’il se devait d’éliminer avant de décider quoi que ce soit concernant la fillette. Sans compter que, enchainant ses discours avec ferveur, elle avait rajouté d’autres indices dans les phrases suivantes.

Elle savait donc parfaitement qu’elle se trouvait dans le rêve de quelqu’un d’autre mais n’en paraissait pas choquée, comme si elle avait l’habitude de voyager ainsi de songe en songe et de voir des apprentis rêveurs modifier leur imagination à volonté. Mais ce qui attira le plus l’attention de Kenshin dans cette phrase fut l’ordre qu’elle lui adressa, de continuer à rêver comme si elle n’était pas là, ce qui dans son esprit de shinobi méfiant comme nul autre, car élevé par la Racine, sonnait comme une intrusion volontaire dans ses rêves. Tout était plus claire désormais pour Kenshin, cette petite fille était là de son plein grès, elle maîtrisait un jutsu très puissant permettant de pénétrer les songes d’autrui à volonté et elle s’en servait pour espionner. Quelle formidable source d’informations pour le village qui la possédait si elle pouvait même rejoindre l’esprit des membres de la Racine, au fait des plus sombres desseins de leur chef Danzô.

Le simple fait de penser à de l’espionnage mit Kenshin dans tous ses états. En effet, la prudence était un travail du quotidien pour lui, et jamais, du moins il le pensait, les hommes que l’on avait envoyé pour l’espionner n’avait pu parvenir à leur fins, tant il était méfiant. Mais que pouvait-il faire contre un être immatériel, sans doute capable de quitter ce rêve à tout moment. Pouvait-il la tuer finalement ? Le fait d’avoir pu la saisir un instant ne faisait pas d’elle un être réel, sensible à la douleur. Il n’y avait en tous cas pas un instant de plus à perdre, car la demoiselle ne voulait pas parler à Kenshin mais elle pouvait très bien s’apprêter à aller le faire à d’autres ninjas, ravis d’apprendre à quoi pouvait penser un anbu Ne.

Il sauta donc sur son sabre, offert, finalement par erreur, un peu plus tôt, et le dégaina sans plus attendre, avec une rapidité qui expliquait parfaitement son rang. N’ayant rien le temps de voir venir, il pu saisir, par la gorge, la fillette encore surprise des gestes vifs du shinobi, pour la soulever et la plaquer contre le mur le plus proche. Puis, glissant sa lame sous sa gorge, il prit cet air froid et menaçant, celui qu’il arborait toujours en mission spéciale où les cibles devaient avoir comme dernier souvenir une représentation physique du mot terreur, avant de lui jeter ces paroles sur un ton beaucoup moins amical qu'auparavant.

Marquant une pose pour parvenir à percer le regard beaucoup moins effronté de la jeune fille, il continua, toujours sur le même ton, pour bien lui faire comprendre à qui elle avait à faire.

Puis, avant de marquer un temps pour la laisser répondre, il ajouta :

Il n’y avait désormais plus rien à dire. Si les menaces du shinobi pouvaient être réalisées, la fillette viendrait nécessairement à parler, même seulement pour pour l’insulter. Dans le cas contraire, elle fuirait à nouveau, là où Kenshin ne pourrait pas la suivre.

Quel revirement de situation, la gamine effrontée et malpolie, forcée de s’incliner devant la force de l’anbu qui, malgré la retenue dont il avait fait preuve depuis leur première rencontre, venait de céder totalement. En tant que membre de la Racine, il n’aurait de toute façon pas pu réagir autrement. Imaginer, même un seul instant, que des informations concernant les actions secrètes de Konoha puissent être utilisées par d’autres villages, était tout simplement impossible pour Kenshin. Aussi, si cette fillette avait réellement été un espion, aucune trace de son passage ne devait subsister, même s’il dut pour cela la faire taire à jamais.

La demoiselle, qui aurait mérité son surnom d’en « détresse », ne pouvait qu’essayer de se débattre face à la poigne ferme de Kenshin, leurs forces respectives étant radicalement différentes. La seule chose qui pouvait encore lui venir en aide était plus petite que la gamine elle-même, et habituellement muette. Mais cet animal-ci savait parfaitement manier les mots et il ne s’en priva pas pour tenter de sortir son ami de ce mauvais pas.

Ce qu’il avait à dire était d’un intérêt tout particulier pour Kenshin qui commençait à se rendre compte qu’il n’avait finalement pas à faire à une espionne mais à une « maudite », envoyée dans les rêves d’autrui malgré elle. Il y avait donc une amélioration pour le shinobi, car, sauf si l’agneau mentait, la petite fille n’avait pas la possibilité de choisir dans quel esprit elle allait s’introduire. Elle ne pouvait donc pas être envoyé par qui que ce soit pour collecter des informations, étant donné qu’elle ne pouvait prévoir où elle allait atterrir. De plus, l’aspect imposé de cette malédiction ressortait particulièrement dans le discours de l’animal :

Comme si elle faisait ces voyages régulièrement et qu’à chaque fois c’était une véritable opération de survie. Kenshin commençait alors à se demander s’il n’était pas en train d’en faire trop, de maltraiter un enfant finalement sans défense et n’ayant pas choisit d’atterrir dans son esprit. Il ne pouvait cependant pas mettre de côté aussi facilement le fait que cette fillette soit une espionne, le manipulant du début à la fin. Il se pouvait même tout à fait qu’elle ne soit pas dans son propre corps, que l’image que Kenshin pouvait voir d’elle soit celle qu’elle avait choisit pour détourner l’attention et chercher tranquillement les informations dont elle avait besoin.

Mais ce mouton changeait tout à la donne. Agir sur soi-même était une chose, mais modifier l’apparence de quelqu’un d’autre requérait des compétences plus avancées. Donc, à moins que deux personnes possédaient les mêmes capacités et en usaient au même moment de manière aussi synchronisée, il y avait peu de chance que toute cette affaire soit un coup monté. De plus, bien qu’il soit un animal, l’on n’avait aucune difficulté à ressentir la sincérité de ses revendications, et même Kenshin, pourtant insensible depuis bien longtemps, comprenait sa peine. Le shinobi lâcha donc prise, laissant tomber la fillette du mur, et tâcha d’en comprendre un peu plus.

Il recula d’un pas avant de se retourner pour se saisir de son fourreau, jeté à terre lors de ses précédents mouvements, et d’y ranger son sabre. Puis il renoua celui-ci à sa ceinture, à côté de celui qu’il tenait encore scellé par des bandages. Puis il refit face à l’enfant avant de la questionner.

Après avoir parlé, toujours en fixant dans les yeux la jeune fille, il s’était dirigé vers l’une des caisses, pour s’y assoir. Il savait que même si son adversaire du moment tentait de fuir, il pourrait la rattraper sans mal, et elle devait bien s’en douter elle aussi.

Il l’invita ensuite, d’un geste du bras, à venir s’assoir à côté de lui. Il ne cherchait plus à l’intimider, pensant en avoir déjà assez fait pour la calmer, et rester ainsi à s’affronter du regard n’aurait rien apporté à leur problème.

La fillette réagit rapidement et l'anbu pu poursuivre.

L’intonation de cette dernière phrase semblait vouloir sourire à la place du shinobi, incapable de montrer réellement à cette enfant qu’il était calmé, pour le moment.

Quel caractère ! N’importe quel individu, en voyant le comportement de la fillette, aurait pu se dire « mais quel sale gosse ! ». Soit elle ne voulait pas parler, soit elle agressait littéralement son interlocuteur, oubliant visiblement dans son emportement, à qui elle s’adressait. Sans compter qu’elle était loin d’être la dernière des idiotes, jouant les victimes pour « attendrir » le shinobi, sans pour autant démordre de son regard furieux et agacé. Mais avant ce brin de comédie, elle avait eu le temps de délivrer à Kenshin un nouveau flot d’insultes et de réprimandes, jouant un peu plus encore sur les nerfs déjà à vifs du rouquin.

Il eut d’ailleurs un haussement de sourcils assez révélateur de sa colère montante, à chacune des injures que pouvait lancer la petite, mais aussi à chaque intonation de voix un peu trop élevé. En effet, elle marquait certaines de ses paroles, transmettant sa fureur contenue jusque là uniquement dans ses yeux, à sa voix.

Kenshin aurait parfaitement pu reprendre sa position précédente et laisser l’enfant suffoquer à nouveau. Qui dans sa situation n’aurait pas pensé la même chose devant l’insubordination de la gamine, encore haute comme trois, ou plutôt deux pommes, et pourtant si fière devant la menace que pouvait représenter le shinobi ? Seul le petit mouton, encore tout paniqué, restait raisonnable et tentait de calmer l’enfant. Kenshin voulu souligner ce trait de bon sens, mais la fillette ne lâchait pas le morceau, et reprit son souffle avant de continuer plus calmement.

Ce n’était même plus de la colère qui emplissait Kenshin mais du pur étonnement. Comment pouvait-elle penser un seul instant que jouer la carte de la compassion après le numéro qu’elle venait de lui sortir, pourrait être payant ? Le rouquin n’avait jamais particulièrement apprécié ce genre de dialogue interminable, surtout quand il avait un aussi net avantage sur son interlocuteur. Il reprit donc son air sérieux, montrant bien à la jeune fille que même dans son rêve, il n’était pas là pour plaisanter, et lui lança ces quelques mots :

Le ton encore calme qu’il avait employé pouvait paraitre ironiquement rassurant, compte tenu du contenu de sa tirade. L’enfant aurait alors très bien pu s’apprêter à répondre à cette question, qui n’attendait pourtant, et elle devait le savoir, aucun ajout, mais Kenshin reprit de plus belle après avoir marqué un léger temps. Il était cette fois-ci bien plus violent, parlant rapidement et avec fermeté.

Le shinobi n’étant pas coutumier de tels emportements se surprit lui-même à employer un ton aussi convaincant. Satisfait de l’effet que pouvait donc provoquer ses paroles, il continua de plus belle :

Cette dernière phrase sonnait faux puisque prononcée par un individu loin, très loin, d’être calme. Mais au moins, la messe était dite, et Kenshin saurait ce qu’il aurait à faire si la fillette s’accordait le droit de refuser à nouveau de répondre.

Il en fallait plus à Kenshin, plus que ce que le petit groupe ligué contre lui avait bien voulu lui donner à ronger. Le petite Tilika avait donc cédé son prénom, une maigre piste pour le shinobi mais qui lui permettait au moins de progresser. Avec une attitude cette fois plus enfantine que téméraire, comme si elle venait d’être disputé par ses parents pour avoir cassé le vase l’entrée, elle ajouta aussi une certaine confession, un résumé de ses souffrances, expliquant une nouvelle fois qu’elle ne choisissait pas de venir dans les rêves d’autrui. Elle ajoutait également, et c’est cela qui sonna comme une confession plutôt inattendue pour Kenshin, une partie de son ressentit général, une introspection qu’elle dévoilait au shinobi sans vraiment se rendre compte qu’elle délivrait par la même occasion des noms, qu’elle tenait visiblement à garder secrets.

Puis Kiny, dans sa sagesse visiblement habituelle qui le faisait agir avec tact, même envers le pire des bourreaux, vint apporter toute sa logique à la scène, complétant ainsi le caractère bougon de la fillette. Il questionnait, tel un véritable enquêteur, et questionnait encore. Voulant savoir les plus profondes pensées du rouquin pour déterminer si oui ou non, il leur voulait du mal. Le pire en réalité fut que sous son air tendre il puisse parvenir à retourner la situation, interrogeant celui qui jusqu’à lors les interrogeait.

Kenshin avait relevé sa jambe gauche afin de glisser son pied sur son genou droit. Puis il s’était empoigné le ventre avec une main avant de se frotter le visage avec l’autre. Ceci car il commençait doucement mais sûrement à s’inquiéter, sentant la situation lui glisser d’entre les doigts. Premièrement, le coup de sang avec lequel il avait effrayé la fillette auparavant voyait son effet s’estomper au fur et à mesure que Kenshin se calmait. Ensuite, plus aucune crainte ne se faisait maintenant sentir, le petit mouton pourtant loin d’être brave venait d’en apporter la preuve. Kenshin devait donc miser sur ce qu’il tenait encore, un dialogue à peu près stable qui, même s’il n’aboutissait pas sur des réponses très utiles, pouvait permettre à l’anbu qu’était le rouquin d’en apprendre un peu plus.

Il marqua un temps, presque d’une dizaine de secondes, durant lesquelles il baissa la tête, et ferma les yeux. Puis il se redressa et reprit. Il espérait que chacune des ses paroles étaient bien digérée par l’enfant, car s’il ne doutait pas de la soumission de l’animal, la fillette, elle, était complètement maître d’elle-même.

Doublement touché. Il savait que ses deux interlocuteurs seraient piqués au vif, même s’il n’en montrerait rien par la suite.

Il se stoppa une nouvelle fois, comme pour laisser un espoir à la fillette et surtout au mouton. Cette pause fut bien plus courte car sans vouloir tenter quelque manipulation que ce soit, Kenshin tenait surtout à lancer cette dernière phrase :

Il venait de rouvrir ses yeux, restés clos depuis qu’il avait relevé la tête. Ils étaient de toutes les manières si fins que seule la belle couleur verte de ses pupilles ressortait une fois ses paupières ouvertes. Sa voix était quant à elle plus calme que jamais et froide au possible.

- C’est… Je veux pas qu’il ait… d’ennuis…

Sans acquiescer réellement, Tilika, par son manque de négation dans sa réponse, venait de confirmer les présomptions du shinobi. Celui-ci savait donc désormais qui s’était rendu responsable d’un tel crime envers son village. Mais il savait aussi qu’il ne serait pas facile de lui administrer le jugement qu’il devait mériter, de part son statut de Jinchuriki. La seule chose dont il restait sûr était qu’il devait maintenant faire un rapport au seigneur Danzô, à propos de la trahison mais aussi des possibilités qu’offrait la fillette, à qui saurait s’en servir. Kenshin n’était techniquement pas habilité à entreprendre de tels plans, mais la Racine comptait aussi sur ce genre d’idées de la part de ses membres pour parvenir à ses fins.

Où était passé la fillette et les rues de Konoha ? Tout était devenu noir, comme si Kenshin tenait ses yeux clos.

Mais Tilika ne répondit pas. A vrai dire, même le vent ne répondait plus. En revanche, la température avait nettement augmentée et Kenshin pouvait sentir couler quelques gouttes de sueur, le long de ses tempes. Il n’y avait donc plus de doute à avoir, il ouvrit les yeux et prit conscience de l’endroit où il se trouvait.

S’il ne voyait que du noir, c’était bel et bien parce que ses paupières étaient abaissées, et s’il avait chaud, c’était parce que l’agitation de son rêve l’avait également marqué dans la réalité. Il avait dû se tourner et se retourner dans ses draps, pensant vivre un cauchemar lorsqu’on lui lacérait le visage ou qu’on lui martelait les fruits à coque. Il avait prononcé cet unique mot en se redressant précipitamment, s’en voulant de n’avoir pu questionner plus longtemps sa proie. Mais il était rare qu’il dorme bien longtemps la nuit, trop perturbé par ses cauchemars incessants. Son corps s’était donc habitué à avoir peu de repos et l’avait réveillé à cet instant précis où Kenshin ne le souhaitait pas.

Ne perdant pas une seconde de plus à se torturer les méninges pour savoir si oui ou non la petite fille était le fruit de son imagination, le shinobi sauta de son lit avant de fonçer vers sa douche pour parvenir à se réveiller complètement, en s’aspergeant d’eau froide. Une fois ce rapide nettoyage effectué, il sortit d’une trappe murale, dissimulée au fond d’un placard, sa tenue d’anbu. Il ne s’équipa pas du long manteau blanc, pourtant rendu obligatoire par la Racine pour cacher entièrement son apparence, de peur d’être gêné dans ses mouvements. Il était hors de question pour lui de laisser à la gamine le temps de se préparer à un éventuel plan d’attaque de Danzô, aussi, plus tôt celui-ci serait au courant des aventures de Kenshin, moins elle pourrait mettre en place sa défense.

Avant de sortir de chez lui, il n’oublia cependant pas de mettre en place son masque d’anbu. Il avait tout de même un minimum à respecter. De là, les bonds s’enchainèrent, le faisant passer en quelques minutes du quartier des habitations où il logeait, à l’arbre-porte lui permettant de rejoindre le QG de la Racine. Mais, pendant ce court laps de temps, Kenshin eu tout de même l’occasion de réfléchir.

S’il s’avérait qu’il avait intégralement imaginé son rêve, que la fillette soit fictive et ses renseignements inventés, alors il risquait gros en faisant réveiller son chef à cette heure-ci de la nuit, le jour ne pointant pas son nez avant au moins deux heures. Le rouquin se devait donc d’obtenir des preuves lui permettant de convaincre son supérieur de l’importance de cette histoire, et la seule qu’il pouvait réellement avoir devait à cet instant dormir paisiblement, seul dans son appartement. Avant de se lancer dans un nouveau plan de bataille, Kenshin entreprit donc de rendre une petite visite à cette chère tête blonde.