Lorsque je m’étais réveillé ce matin là, après une pénible nuit entrelacé dans les bras d’un cauchemar, je n’avais pas tardé à me retrouver hors du trou dans lequel j’avais croupi pendant que le soleil s’était absenté. Après avoir jeté un dernier regard à l’entrée béante de la tanière, qui gardait grand ouverte sa gueule sombre, je m’en allai vers d’autres horizons. Toujours vêtu de mon habituel ensemble blanc, je traversai à une allure rythmée le bois encore sombre, qui à cette heure n’était pas encore baigné par les douces lueurs du soleil. Les arbres, qui écartaient leurs longs bras auxquels suspendait une cape de feuille, masquaient le ciel dont la nuance rosée arrivait parfois à jaillir d’un trou parmi les feuilles. Une fois que je me retrouvai à l’embouchure du petit sentier qui menait à l’antre, je pus apercevoir, à une centaine de mètres de là, les portes du village qui à cette heure déjà étaient traversées par quelques voyageurs.

Les imposantes portes, bâties dans un passé lointain, étaient majestueuses. Ce colosse de pierre, dont chacune des extrémités étaient jointes par de massives portes de bois, était richement décoré. Des sculptures ornaient chaque façade, rendant cet indestructible titan aussi élégant qu’une jeune pucelle. Les murs, peints en blanc, inspirait une pureté sans égal. Mais lorsqu’apparaissait derrière les remparts de ce murs, des hommes au regard sombre, l’innocence de ce chef d’œuvre de l’architecture était balayé par la fonction première des portes, qui gardaient, autant jour que nuit, l’intérieur des terres du pays du son.

Une fois que je fus aux pieds des portes, je profitai de mon frais statut de Juunin pour prendre part au service des gardes. D’un œil attentif, je regardais passer chaque arrivant. De longues minutes passèrent, pendant lesquelles les visages s’enchaînèrent et alors que je me lassais déjà de cette occupation, mon regard fut attiré par un personnage bien différent. Un homme de grande taille se tenait immobile tandis que prés de lui, passaient caravanes et marchands. Cette roche immobile, qui cillait le flot humain qui entrait dans les terres du son, m’intéressa. Il n’avait rien avoir avec les ridicules passants, il dégageait une aura qui n’appartenait qu’à ceux qui le méritait : l’aura des guerriers. Son âge, non loin du mien, s’affichait clairement sur son jeune visage presque innocent. Mais d’expérience, je savais que celui qui se terrait derrière ces verres colorés n’étaient pas celui dont l’apparence tentait vainement de cacher. Mais je ne pus me déclarer, craintif de porter à ce personnage de bête diffamations. Je me décidai alors à aller à sa rencontre.

Sans me soucier de celui qui avait profité de ma présence pour se relâcher, je quittai mon poste en direction du mystérieux voyageur qui regardait toujours d’un œil admiratif les portes du pays. Sans difficulté, je réussis à l’atteindre. Il semblait que mon visage inspirait la crainte à chacun de ces voyageurs, qui me contournaient nerveusement. Une fois que j’arrivai à portée de voix de l’homme à la crinière or, je retirai mon couvre chef, par pure courtoisie. Une fois que j’eus attiré le regard de celui-ci, je pus m’exprimer.

Mes salutations, voyageur… annonçai-je tout en lui faisant un signe de la main en guise de salutation. Désolé de vous être opportun mais je ne puis résister à l’envie de savoir dans quel but un homme de votre prestance s’attarde à porter un regard admiratif à un simple bâtiment, dis-je sur un ton amical tout en affichant un sourire démoniaque.

Les mots m’étaient venus seuls. Je savais que mon vocabulaire avait été enrichi à outrance mais je trouvai amusant de parler d’une telle façon à un étranger. Il n’allait pas sans dire que je faisais preuve d’une séduisante hypocrisie en lui montrant un tel respect mais, je n’avais pu résister à ce petit caprice que mon large sourire trahit.

Je m’y attendais, j’avais eu autant de chance de tomber sur un être pourvu de bonnes manières que de risque de rencontrer un rustre. Les gens ne sont jamais comme on le croit, l’homme au costume trois pièces peut être le dernier des salauds alors que la racaille du coin peut être un poète au grand cœur mais on ne peut jamais savoir sur qui l’on tombe. La société et ses membres ne sont rien d’autre qu’une grande partie de loto, l’on peut soit tombé sur les numéros gagnants, soit les perdants mais personne ne s’est jamais soucié d’un détail, surement trop anodin, qu’est le fait de tomber sur la boule plus ou moins proche du numéro gagnant. L’Homme ne s’est-il pas simplement créer une société dans laquelle les nuances ne peuvent exister ? Du moins, moi je croyais fortement en cette philosophie. Cet homme, qui n’avait pas répondu à mon salut avait néanmoins retiré ses verres. Marque de respect après avoir fait preuve d’irrespect, plutôt étrange non ? Cela m’amusa quelque peu. Mon hypothèse était fondée. Et moi-même j’étais la preuve de mes théories, je n’étais rien d’autre qu’un meurtrier au regard de la justice mais il existait néanmoins une minorité qui me cernait d’un autre œil. Ils ne m’aimaient pas pour ma réputation mais pour ceux qui nous avions vécu ensemble. Certes à leurs yeux je restais un dangereux criminel mais par exemple cette douce aubergiste qui chaque matin me servait à manger, ne répondrait-elle pas, si l’on lui pose la question, que j’étais un gentleman tout à faire remarquable ? Je mettrais ma main au feu que si, réputation de démon ou pas. Telle était la grande de la nuance des caractères, à mi chemin entre le bien et le mal, elle était une chose dont je me délectais.

Et lorsque comme une bourrasque « blizzardique », les paroles de l’inconnu vinrent me fouetter le visage, mon amusement gagna en puissance. Si une personne avait pu être actrice de mes sentiments, elle m’aurait sans doute prise pour un fou et peut être qu’elle n’aurait pas eu tort car au contraire de l’outrance que j'aurais du ressentir, j’avais opté pour une joie particulière car sans s’en rendre compte, cet étranger m’avait donné l’occasion de le remettre à sa place avec habilité. Certes j’aurais pu le tuer, mais ce genre de comportement n’était plus de l’époque, je n’avais plus rien avoir avec l’homme sanguinaire dont la vie était rythmée de détonations, j’avais changé et étais devenu un personne contrôlée. Peut être étais-je devenu plus sadique, profitant plus longtemps de la chute d’autrui ou encore avais-je appris à apprécier l’autre. En tout cas, je n’étais nullement décidé à en finir avec ce voyageur, celui-ci m’intriguait assez pour me pousser à aller plus loin dans la conversation. Et puis, comme il l’avait clairement dit, il voulait entrer dans nos rangs, raison de plus qui m’obligeait à le maintenir en vie assez longtemps pour savoir si oui ou non il était une personne intéressante. Mais, je n’allais surement pas le laisser m’écraser, comme il l’aurait sans doute espéré.

Avant les présentations, les salutations mon cher. Ce détail vous aurait-il échappé ?... m’empressais-je de souligner car en effet, l’inconnu, qui avait trouvé bon de me donner une leçon de courtoisie, avait omis la première règle de bien séance, il ne m’avait pas salué.
Et, pour ce qui était de la sécurité des portes, je ne m’en soucie guère… Car le serpent reste tapis dans l’ombre, celui-ci guette avec patience chaque intrus et gare à celui à l’excès de zèle, car lorsqu’un serpent frappe, on ne le voit que trop tard… Donc, attention aux portes grandes ouvertes, seuls les malins savent sentir le piège…

Une fois de plus, je n’avais eu aucun mal à démolir les propos adverses, surtout quand ceux-ci n’étaient nullement fondés. J’avais été volontairement métaphorique, je voulais amener ce vagabond à une réflexion poussée. Je ne pensais pas qu’il avait réellement cru que la défense du village ne se limitait qu’à de si maigres effectifs dont l’attention était aussi dérisoire, il avait sans doute voulu me tester, voir quel était mon potentiel. Et même si cela m’aurait amusé de le mettre au défit d’attaquer les portes, pour le voir se faire démembrer par une horde de ninjas embusqués, j’avais préféré le faire clairement comprendre qu’à Oto, nous ne laissions rien paraître, car ici bas, notre sadisme nous poussait à mettre au défis chacun pour ensuite avoir la chance d’écraser les inconscients. Il ne faut pas sous estimer le danger de l’eau qui dort, car le plus dangereux réside dans l’invisible.

Mais soit… Et après un court silence. Je suis Zolf J.Kimbly, mais appelez Kimbly, cela me suffit. Et vous, monsieur le septique, comme dois-je vous appeler et, pourquoi espérez-vous avoir une place au sein de notre groupe ?... lui demandais-je d’un ton assez posé pour le faire comprendre qu’il ne pouvait avoir de refus de parler.

Il arrive qu’un oiseau soit lassé du voyage. Noble créature qui passa sa vie à arpenter le monde à la recherche d’autres climats, il lui arrive de perdre goût à la découverte. Mais une âme aventurière arrive difficilement à se satisfaire d’une existence sédentaire. Heureusement, nous les hommes, nous étions encore loin de cet état, le choix nous était encore possible. Longer les latitudes à la recherche de nouveautés ne nous était encore pas vital. Nous avions encore le choix de conquérir un territoire et d’y rester pour y mourir. Et ce sentiment, nous poussant à trouver un feu auprès duquel s’abriter, finissait toujours par toucher chacun de nous. Et il semblait que celui ci, que j’avais connu il y avait prés d’une année, avait de nouveau poussé un vagabond à rejoindre les rangs d’un village. Tout comme moi, cet homme était lassé d’une éternelle errance. Cela me rappela alors les années noires de mon existence pendant lesquelles je n’avais cessé de marcher, fuyant mon passé et espérant l’avenir. A chaque fois que je m’étais posé sur une nouvelle branche, ses habitants n’avaient pas manqué de me chasser. Et durant de longues années, je n’avais cessé de partir de branche en branche à la recherche de celle où je pourrais installer mon nid. Et même si cela me fallut de longues années, j’avais un jour réussi à trouver le pays où je pourrais y vivre, Oto. Car marcher éternellement à la recherche d’un foyer n’était pas une vie, je l’avais bien compris. Qu’avais-je retenu des années de ma jeunesse ? Rien mis à part le dégoût des voyages sans fin.

En effet, j’ai connu ce genre de vie et je peux vous dire qu’il n’y en a vraiment rien de bon à retenir. J’ai du fuir ma propre patrie, qui se terre au-delà même de toutes ces frontières pour errer pendant bien trop longtemps. Mais ici, votre salut est assuré, tout comme le mien il y a une année de cela. Car il y a presque un an, j’étais à votre place.

J’éprouvais une certaine compassion pour les malheurs de cet homme et une sympathie pour ses espoirs. Etant donné que ma journée n’annonçait rien de particulièrement pressent, je me décidai donc à plaider la cause de ce voyageur jusqu’à qu’il réussisse à prendre place au sein du village. En ce jour, il semblait que j’étais décidé à faire le bonheur d’une personne. Mais après tout cela ne me serait-il pas bénéfique ? Ce petit jeu auquel je me prêtais depuis quelques temps ci n’était pas des plus déplaisants et des plus anodins. Aozora n’était pas le premier que j’aidais à entrer à Oto et tôt ou tard, quelqu’un finirait par remarquer l’ardeur que je mettais à enrôler de nouvelles âmes. Cela me serait rentable un jour ou l’autre, j’en avais la conviction. Et qui plus est, seul un ignare n’aurait pas remarqué que celui que je m’apprêtais à défendre la cause n’était pas un novice. Je le sentais, cet homme dégageait une aura particulière qui laissait derrière lui un mise en garde suffisante pour faire reculer plus d’un. Ce voyageur n’était pas de la race des moutons, tout comme moi, il avait plutôt sa place parmi les loups.

Et en plus de cela, je n’avais pas affaire avec un homme privé de potentiel, celui-ci était un médecin et sans doute un de talent ! Car s’il aspirait à pouvoir s’amuser dans les laboratoires du Serpent, c’était qu’il avait un bagage assez important pour y entrer. Et je ne pensais raiment pas me tromper car d’instinct, je savais que celui qui se dressait face à moi n’était pas un petit amateur du scalpel. Surement n’était-il pas de la même trempe que Kabuto mais, sans doute devait-il avoir une certaine maîtrise dans le domaine. Sinon, il n’aurait jamais essayé de s’introduire par la grande voie dans l’équipe médicale d’Oto dont les travaux, même si trop souvent critiqué, était les plus concluants dans le domaine des recherches médicales. De plus, à Oto, on n’avait jamais trop de chercheurs au contraire, nous étions en déficit de blouse blanche. Aozora était des plus bienvenus.

Suivez-moi, ce ne sera surement pas long, dis-je d’une voix calme.

J’ouvris donc la marche à la recherche du recruteur d’Oto. Celui-ci, qui ne devait surement pas se trouver dans son bureau à cette heure, – heureusement pour moi qui n’avais vraiment pas envie de me faufiler à travers la forêt de dossiers – ne pouvait être qu’en train de patrouiller le long de la foule. D’un pas rapide, je conduisis mon compagnon jusqu’à une place élevée d’où on surplombait la majorité de la grande voie qui passait sous le porche des portes. Une fois installé, je me mis à sonder la zone découverte à la recherche de cet homme de forte corpulence qui à ma demande, n’aurait aucun mal à enregistrer le vagabond en tant que ninja du village. Mais la recherche ne fut pas aussi facile que prévu car même si j’avais affaire à un homme qui ne passait pas inaperçu, l’importance de la foule était un obstacle considérable. Mais avec de la détermination, je finis par apercevoir le concerné qui se tenait à l’écart du flot humain, analysant chaque visage de la foule à la recherche d’un ninja potentiel. Mais sa recherche ne semblait pas très fructueuse, l’expression de déception qui se dessinait sur son visage en était la preuve. Il n’avait plus à s’inquiéter, j’étais sur le point de lui présenter un ninja de qualité.

Voyez là bas cet homme qui sonde la foule, c’est lui qui assura votre salut. Bientôt, vous serez ninja d’Oto, déclarais-je à Aozora d’une voix plein d’entrain.