Faire souffrir les autres, c’est ce qu’il détestait le plus. Il ne voulait pas faire du mal, même si ce mal pouvait s’avérer non intentionnel de sa part. Et il n’était jamais intentionnel chez Koma. C’était une faiblesse plus qu’évidente dans le monde dans lequel il était tombé, mais il n’y pouvait plus grand-chose. Peut être que le temps jouerait contre lui, mais il ne préférait pas le suposer. Il n’était pas près. Devenir fort, il le voulait mais pas de n’importe quel façon et tant pis si le chemin serait plus long et plus ardu, il réussirait. La première étape était de maitriser son don héréditaire suffisamment pour ne plus qu’il soit un danger pour les autres. Il ne savait pas vraiment comment s’y prendre, mais il trouverait. Il devait trouver, tant pour lui que pour cette fillette et Raï-san…Et tout ceux qui seraient amenés à le côtoyer de près ou de loin. Tilika avait raison. On devait faire avec ce que l’on était même si on ne l’aimait pas forcément. Il n’acceptait pas son don. Il n’était pas près à le faire mais il fallait qu’il essaye. Même si il le répugnait. Même si il le détestait. Il était une partie de lui.
C’était ça que voulait lui faire comprendre la fillette avec ses paroles, ou bien c’était tout simplement ça qu’il comprenait lui. Ensuite, y parvenir ne dépendait que de lui et de sa détermination.

Mais à cet instant, ce n’était pas réellement le plus logique des raisonnements qui l’aiderait à faire face à la fillette qui pleurait. Il n’aimait pas ses larmes – ni les larmes de tristesse en générale -, c’était celle qui faisait le plus mal. Son visage exprimait sa confusion. Et pas que de la confusion. Il avait remarqué que Tilika avait un visage et un regard particulièrement expressif, sans doute en compensation du fait qu’elle ne puisse pas exprimer ses émotions à hautes voix, son corps réagissait davantage que la moyenne pour les traduire. Alors les émotions qu’il voyait allaient de l’effarement à une sorte de panique…Et dans ses yeux brillait une douleur sourde.
Il n’aima pas la voir ainsi mais il ignorait quoi faire et ne comprenait pas pourquoi elle réagissait ainsi. Elle n’avait pas réagit ainsi à ses paroles puisque son regard avait changé avant mais dans ce cas, à quoi avait elle réagit ?

« Tilika ? »

C’était juste pour la faire réagir à sa voix, pour comprendre un instant mais elle n’y prit pas garde. Elle avait l’air morte de trouille pour une raison qu’il ignorait encore. Il commençait à s’inquiéter et avant qu’il ne puisse rajouter autre chose – comme demander ce qu’elle avait – elle griffonna quelque chose sur un papier qu’elle lui remit rapidement avant de s’enfuir sans regarder en arrière.
Hébété, Koma observa la fillette disparaitre au coin de la rue sans faire un geste pour la rattraper. Elle l’avait prit au dépourvu et quelque part, tout au fond de lui, il ne se sentait pas le droit de courir après elle. Il comprenait. Ses larmes, elle n’acceptait pas de les laisser couler. Sa tête toujours tournée vers l’entrée de la ruelle ou la fillette avait disparut, il accola son dos au mur proche de lui et finit par lire le mot qu’elle lui avait remit.

« Deviens plus…fort. »
Lut-il à voix haute en déchiffrant l’écriture pressée de la fillette.

C’était pour ça. A cause de lui d’une certaine manière. Parce qu’il était faible et qu’elle avait peur. Sa crainte à elle, c’était de s’attacher à une personne incapable de se protéger elle-même, incapable de vivre de sa seule force et qui mourrait facilement. Il faisait partit de cette catégorie et ne se faisait guère d’illusion là-dessus. Il était loin d’être fort, alors se lier à lui c’était prendre un risque. C’était avoir mal de nouveau. Une douleur qu’il connaissait et que Tilika connaissait également. C’était surement ce qu’elle avait ressenti à la mort de sa mère…
Elle l’avait dit elle-même, elle aurait mal si il mourrait si elle le considérait comme son ami. Le plus simple, c’était donc de fuir cette amitié pour ne pas risquer d’avoir mal lorsqu’il deviendrait plus important.
Tout ça à cause de lui.
Ou plutôt à cause de cette faiblesse qui faisait partie de lui.
Il baissa la tête quelques instants. Le plus simple serait d’abandonner… Mais il ne voulait pas de cette facilité qu’il avait utilisée jusqu’à présent. Fuir n’était plus une solution envisageable et il voulait devenir plus fort…Les raisons se multipliaient dans son esprit.
Il était déterminé à présent. Bien plus que ce qu’il aurait put le penser ce matin en se réveillant, car Tilika lui avait donné la dernière raison qui faisait basculer la balance. Son visage ravagé par les larmes. Il ne voulait pas revoir ces larmes sur la fillette et il ne voulait pas non plus abandonner la partie, ni la petite fille. Elle aussi elle avait besoin de quelqu’un et puis il pouvait être fort sans utiliser cette force pour blesser n’est ce pas ?
Protéger des choses qui nous sont simplement chère…Des personnes ou des liens tous nouveaux…
Il resserra ses doigts sur le papier griffonné et se lança en courant vers la rue, quittant l’endroit où Tilika et lui avaient échangés leurs secrets respectifs.
C’était ce que faisait deux amis.

Il rentrerait et puis irait apprendre et s’entrainer à devenir fort.
Comme ça…Tilika n’aurait pas besoin d’avoir mal. Raï-san n’aurait plus à le protéger. Et il pourrait vivre…