Musique de post

Fuir un pays. Fuir une vie. Abandonné la plus grande partie de ce qu’il n’avait jamais put être.
L’enfant crispa ses doigts gourent sur la cape de voyage qui lui couvrait les épaules et qu’il avait acheté avec ses maigres économies. Jamais il n’aurait put croire en arriver jusque là il y a de cela moins de 3 mois. Le temps filait si vite et pourtant chaque minute passée lui pesait lourdement sur les épaules. Il ferma un instant les yeux puis repris sa marche tortueuse dans ce nouveau pays inconnu.
Il avait vu beaucoup plus de chose en trois petits mois qu’en près de 11 ans d’existence dans le temple au coté de Guji au pays de l’eau. De grands paysages parfois magnifiques, d’autre fois désolant qui s’étendaient sur des kilomètres. Il avait soudain pris conscience avec plus d’impact que lui n’était qu’un tout petit morceau de ce gigantesque univers et qu’il s’y trouvait perdu.
Sans doute aurait il du prendre une carte du monde, car même si il avait appris les noms des principaux pays, cela ne l’aidait pas à savoir où il se trouvait. Il devait trouver un endroit où se reposer.

Son flot de pensée cessa tout à coup lorsqu’il se trouva devant le paysage qui s’offrait à ses yeux. Son regard embrasa l’horizon, contemplant avec admiration les rizières accoté les unes aux autres et les milliers de reflets scintillants que renvoyait le soleil. Il resta plusieurs minutes à admirer le paysage devant son regard émerveillé, reprenant ce visage simple d’un enfant découvrant le monde.
Puis les pensées revinrent lorsque ses yeux se posèrent sur le chemin à parcourir.
Où était-il ? Avait il bien fait de se séparer du groupe de saltimbanque qui l’avait tant aidé ? Jusqu’où allait-il aller ?
L’avenir ne lui avait jamais semblé aussi incertain et dangereux. Il regrettait la sécurité qu’il avait connu tant d’année.

Mais il reprit sa marche le vague à l’âme. Placer un pied devant l’autre dans une mécanique mainte fois répété, tout aussi connu, était tellement facile lorsqu’on ne s’interrogeait pas sur la direction dans laquelle on devait aller !
Si simple.
Après tout, lui, il ne voulait pas infliger sa présence à une personne qui ne le mériterait pas. Dangereux comme il pouvait l’être…C’était trop risqué, il avait déjà pris des risques…Sans doute de trop. Mais pourtant il ne parvenait pas à s’isoler comme il aurait été mieux pour tous. Parce que malgré les mots de son tuteur, son dégoût pour lui-même n’avait pas changé. Sans doute était ce marqué dans ses gènes et inconsciemment, il suivait le destin qui lui avait été déchu.

Il trébucha sur une racine saillante et chût sur le sol sans cérémonie. Epuisé. Il observa sa main qui avait amortie la chute sans la voir, voyant simplement la petite trace rouge sur celle-ci.
Que ce passerait il si il fermait les yeux maintenant et arrêtait de marcher ?

Il était juste fatigué. Fatigué de ce débat intérieur, de cette volonté de s’isolé mais de son incapacité à le faire. Guji lui avait toujours dit qu’il était fort, mais pour lui, il était loin de l’être. Egoïstement, il aurait souhaité que rien de tout cela ne ce soit passer. Et qu’il soit lui-même un autre.
Maladroitement, il se redressa, utilisa la racine traîtresse pour s’asseoir le dos calé sur l’arbre. Il releva les genoux jusqu’à son visage et passa une main sur son front, dégageant quelques mèches blanches puis stoppa son geste brusquement et ferma les yeux.

« Je ne sais pas si je vais y arriver Guji… »
Murmura t’il de sa petite voix fluette.

Alors le petit corps resterait là, luttant en ne sachant pas où il avait atterrit, sans savoir que si près de lui se trouvait un village dont il ne connaissait pas le nom mais où vivait un des derniers membres de sa famille.
Oto no Kuni.

Combien de temps encore cela allait il duré ? Jusqu'à quand parviendrait-il à déplacer ce corps au rouage rendu défaillant par le temps, trop court mais trop dur ?
Il l’ignorait. La fatigue et un désespoir sans fond l’accueillait à bras ouvert, unique et profond. Les doigts crispés sur son pantalon, il essayait de faire taire les souvenirs d’un passé si proche et trop lointain à présent. Si il n’avait pas existé. Si il avait été quelqu’un d’autre, alors tout serait différent. Sa vie, sa fuite…Ce qui le composait.
Perdu dans ce monde trop grand pour lui, il se sentait écrasé, livré à lui-même alors qu’il n’en avait pas la force. Cette vie était bien trop lourde pour ses petites épaules d’enfant. Comment à son âge pouvait on survivre de ses propres forces lorsque l’envie nous manquait ? Voulait il juste ce battre pour vivre…ou abandonner ici… ?
Il se mordit la lèvre inférieure avec force.
Il avait peur. Malgré ce qu’on lui avait dit, seul la peur du vide qui s’étendait devant lui le faisait reculer. La peur était ce qui le retenait sans qu’il ne sache réellement de quoi elle venait et d’où elle opérait. Elle était là, tapit, présente dans son ombre, angoissante la nuit, se dissimulant le jour mais ne disparaissant jamais.
La peur accolé à la solitude, à l’absence de sécurité et d’une main à laquelle se raccrocher de toutes ses forces pour ne plus tomber dans ce trou qui s’étendait sous ses pieds.

Une voix s’éleva stoppant le flux de pensées du garçon qui sursauta violement, n’ayant aucunement remarqué la présence d’une autre personne et beaucoup trop enfermé dans son propre monde pour pouvoir le faire. Ses souvenirs s’envolèrent et le laissèrent seul face à un homme qu’il observa de ses yeux émeraudes agrandit par la surprise et peut être une once de peur. Sa première pensée cohérente fut de ce demander qui était cet homme aux cheveux noir et au regard ambré presque doré qui lui faisait face. Il était beaucoup plus grand que lui, bien plus impressionnant aussi, par forcément par sa carrure mais par quelque chose de plus invisible…
Avec précipitation, il se releva, son dos toujours calé sur le tronc de l’arbre massif qui l’avait abrité quelques instants. Devait-il éviter cette personne pour ne pas lui faire de mal aussi ? Le besoin de contact avec une personne était il plus important que la sécurité des autres ? Il ferma ses paupières avec force pour endiguer le flot de question sans réponse, d’envie et de raison.

Rien n’allait.
Pas le moindre morceau de son existence n’allait. Sa vie elle-même n’allait pas. Lui il aurait juste voulut être comme les autres et ne pas avoir à subir tout ça. Il aurait juste souhaité être normal et ne pas être « lui ».

« Je… »

Les mots lui manquaient pour s’exprimer clairement et répondre à cette question anodine d’un adulte s’inquiétant de son sort. Il ressemblait à ses hommes et femmes qui l’avaient accueillit dans leur monde coloré pendant sa traversé des différents pays. Avait-il le droit à un peu de réconfort ?
Il baissa la tête, ses cheveux blancs cachant son regard devenu plus terne, plongé dans un dédale d’émotions et de souvenirs. Guji lui avait toujours dit que se plaindre n’était pas convenable. Il respira un bon coup et du haut de ses 11 années se redressa un peu pour faire face à cet homme. On lui avait toujours dit que mentir était mal alors il préféra tourner les choses différemment en ce disant que Guji ne lui en voudrait pas puisque ce n’était pas un mensonge.

« Je me suis perdu… »

Sa voix était toujours aussi fluette et basse, comme si il n’était pas sur lui-même de ce qu’il disait. Son visage se tourna quelques instant vers l’homme puis il baissa de nouveau la tête, semblable à un enfant pris en faute mais en réalité plus impressionné par cet inconnu qui s’était penché vers lui.
La peur était revenue.

Tête baissé vers le sol, l’enfant attendait, réfléchissait à ce qu’il devait faire à présent. Ses doigts serrés sur sa cape affirmaient son état de débat intérieur, essayant sans y parvenir à démêler cette situation. Dire qu’il était perdu était on ne peut plus vrai : il ne savait absolument pas dans quel pays il était tombé, mais il n’y avait pas non plus de pays dans lequel allé.
Il n’y avait pas réfléchit et avait juste respecté sa promesse faite à son tuteur, c'est-à-dire quitter le pays de l’eau qui l’avait vu naître et grandir, qui l’avait aimé et haït sans avoir de destination réelle. Il avait juste fuit un danger pour se retrouver devant un autre plus pernicieux, seul face à tous. Seul et devant le rester. Tout serait pour le mieux si il l’était. Tout et tout le monde irait pour le mieux comme ça.
Il observa timidement l’homme lorsqu’il parla, attiré sans qu’il ne puisse l’empêcher par la simple présence d’une personne. Tout irait pour le mieux. Sa curiosité l’empêcha cependant de trouver immédiatement quoi répondre à son interlocuteur.

« O…to ? »

Le son. C’était donc un village visiblement, mais en tout cas c’était un endroit qu’il ne connaissait pas vraiment, peut être l’avait il entendu quelque fois mais il n’avait jamais fait attention aux pays dans lequel il se trouvait. Il aurait dut être plus attentif au leçon que lui avait donné son tuteur.
Il se questionna encore plusieurs secondes sur le peu d’information qu’il avait puis abandonna.
En réalité, lui, il ne se rendait nulle part. Il n’y avait aucune terre d’accueil pour des êtres difformes et dangereux comme lui, alors un lieu comme devait l’être cet Oto n’était pas fait pour lui. De nouveau, il baissa la tête à cette constatation douloureuse que sa raison lui hurlait sans cesse.
Y avait il une place pour lui, quelque part dans ce monde si vaste mais qui semblait pourtant si différent de lui… ? Sa main se crispa et ses yeux baissé vers le sol se remplirent de larmes amères, invisibles pour l’adulte puisque dissimulés par sa frange de cheveux blanc.
Trop dangereux.

Avec un courage de façade, le garçon fit un pas sur le coté pour se dégager du tronc massif qui lui barrait son issu puis releva la tête, affichant malgré les larmes un petit sourire teinté d’une triste détermination.
Lui, il n’avait pas sa place dans un endroit comme devait l’être ce village du son. Une créature comme lui était trop dissonante pour vivre parmi un chant. Il secoua la tête doucement de droit à gauche pour refuser l’offre dissimulé dans les mots de l’inconnu.

« Je ne crois pas que cet endroit soit pour moi. » Sa voix toujours aussi frêle était pourtant plus sérieuse autant que douloureuse. « Je n’ai pas d’endroit où rentrer et il n’y a pas de place pour moi ici, mais ça va aller. »
Il répéta une nouvelle fois, plus doucement comme pour s’en persuader lui-même : « Ça va aller… »

Il était juste perdu dans ce monde, sans place pour lui, sans vie à vivre, errant comme une créature sans motivation autre que celle de tenir une promesse. Petit enfant au regard émeraude trop mature pour son âge.

« Vous devriez rentrer chez vous Monsieur, vous y serez à l’abri. »

Un chez soi.
Il avait l’impression que cela faisait une éternité qu’il n’en avait plus un. Mais lui, il n’en avait pas le droit finalement. C’était sans doute ça, parce qu’il était marqué par un destin sanglant, alors il finirait ignoré de tous et seul en attendant son heure.
C’était ce que lui avait légué son clan.

L’espoir nait dans les ténèbres.
Une toute petite lumière éclairant faiblement le noir sans fond ni forme qui nous rend un instant plein d’une nouvelle détermination. L’espoir est doux et amère. Fragile et vacillant comme la mèche d’une bougie soufflée par le vent.
L’espoir faisait mal.
Cette lumière n’est parfois pas grand-chose, un simple sourire, une main tendue ou une parole réconfortante. Elle s’allume et embrase la nuit noire dans laquelle on vit puis disparaît aussi brusquement, rattrapé par une réalité dont on ne veut pas mais qui ne cesse de nous rattraper malgré nos efforts.

Ces mots, il voulait y croire lui. Il voulait croire que tout ces mensonges étaient vrais et que finalement, tout irait pour le mieux, que quelque part ici bas, il y aurait un endroit pour lui et rien que pour lui où il serait à sa place. Il voulait y croire de tout son petit cœur d’enfant encore naïf et ayant pourtant déjà pénétré dans les affres de la cruauté humaine. Cette main tendu, il voulait l’attraper et sentir sa chaleur pour prouver qu’il n’était finalement pas bien différent d’un autre.
Lui, il voulait juste un appui, une aide…
Quelqu’un sur qui compter.
Alors timidement, malgré sa surprise, malgré son angoisse, il approcha sa propre main de celle si grande de celui qui c’était un instant penché sur la petite créature qu’il était. Lui qui n’avait pas fuit en le voyant. Lui qui ne l’avait pas regardé avec ces yeux emplit de haine.
Puis son regard passa de cette main d’adulte à la sienne, si petite et fragile mais trompeuse. Cette trace de sang encore fraiche prouvant qu’il n’était pas un être normal. Cette égratignure qui n’était plus dès qu’il avait observé la plaie déjà cicatrisée lorsqu’il était tombé.

Cet homme, il ignorait à qui il avait à faire, ignorait ce qu’il se cachait derrière ce faciès d’enfant perdu. Alors précipitamment il ramena sa main contre son cœur, secouant de nouveau la tête pour s’interdire ce geste futile et pouvant s’avérer dangereux pour les autres. Il ne devait pas toucher les autres car il ignorait lorsque ce pouvoir horrible s’activait.
Lui, il ne voulait blesser personne.

« Vous ne savez rien de moi ! »
Les larmes roulèrent de nouveau sur ces joues sans qu’il ne parvienne à stopper leurs flux. Il ne savait rien. Alors l’enfant recula encore un peu, augmentant la distance et diminuant le risque pour cet être normal d’être blessé par lui.

« Vous ne savez pas ce que je suis, alors vous devriez partir et ne pas vous retourner. Vous n’avez pas à vous reprocher ma mort parce que vous vous êtes arrêté malgré tout, alors c’est déjà beaucoup plus que je ne le mérite vous savez. »

Les larmes cessèrent de couler et vinrent teinter ces iris de détermination…Non, d’une résignation forcée, réfléchit d’un enfant finalement blessé par une vie trop courte. Koma observa de nouveau sa main qui prouvait tout ce qu’il était pour se persuader de tourner les talons et de partir lui-même. Mais il ne le fit pas, et resta là à observer cette main coupable et pourtant accusatrice.

« Et puis je crois qu’un être comme moi…ça ne meurt pas si facilement…Alors…vous n’aurez pas besoin de vous accuser d’un crime que vous n’avez pas commis puisque moi, je ne suis pas normal. »

Chuchota t il pour finir sans pour autant observer le visage de son interlocuteur et ayant peur de voir dans son regard, quelque chose qui corroborait ce à quoi il songeait.

La normalité. Une limite, une frontière à ne pas franchir mais qui une fois franchit, que cela soit voulut ou non, nous emprisonne dans ses filets. Etre différent c’est être pointé du doigt par les autres, ceux que l’on disait normaux. Lui, il était différent et l’avait toujours été mais ne s’en était rendu compte qu’il y a peu. Au début ce n’était rien, c’était même très pratique de cicatriser plus rapidement que les autres. Mais la particularité était devenue une déformation.
Personne n’était similaire, c’était vrai, mais la normalité ne partait pas de là, elle partait d’un ensemble plus grand et n’était au final qu’une morale. Si l’on sortait de celle-ci, alors on devenait des êtres anormaux. Koma était certes un enfant mais il avait apprit, comprit et expérimenté dans les yeux des autres ce qu’était réellement cette normalité dont cet homme lui donnait sa propre définition.

Mais ce qu’il avait vu chez les autres, ça n’était pas cette définition là. Etre normal pour lui c’était d’avoir des cicatrices sur son corps lorsque l’on se blessait, c’était de prendre la main d’un être cher sans avoir peur de le blesser par accident. Pour lui, la normalité c’était de vivre sans craindre d’être un danger pour les autres.
Cet homme n’était pas comme les autres, mais il ne pouvait pas comprendre l’anormalité qu’il était, alors en réalité ces mots ils n’étaient pas totalement vrai. Tous le monde est différent mais sa différence à lui marquait ses chairs et en faisait une malédiction qui pouvait blesser les autres.

« Je crois que…personne ne part de ce point de vue. »

Et même pas lui et ce malgré ses yeux d’enfants. Malgré son innocence qu’il n’avait plus qu’à moitié. Il ne pourrait pas exprimer clairement à cet adulte ce que lui pensait de ce que signifiait ce mot mais pour le garçon, c’était un mot qui ne pourrait plus le définir.
Et puis de nouveau cet homme se pencha vers lui. L’enfant sursauta, un peu surpris de ce nouveau geste qu’il n’avait pas vu venir et qui le tétanisa littéralement. Cet homme séchait ses larmes et lui ne savait que faire. Devait il reculer au cas où ou laisser faire celui qui prenait un peu de son temps précieux pour s’occuper du petit être qu’il était ?
Ce fut les mots qu’il prononça qui l’empêchèrent de bouger et qu’il écouta avec intention. Pleurer était une faiblesse et n’allait pas aux hommes…
L’enfant baissa la tête cachant un instant son expression puis la redressa légèrement pour montrer un regard émeraude teinté d’une nostalgie palpable. C’était vrai. On lui avait toujours dit des mots semblables par le passé avec un ton doucereux en séchant les larmes de garçonnet qu’il était à l’époque, bien plus jeune qu’à présent. En réalité il avait peu pleuré depuis longtemps, mais la fatigue laissait coulée les larmes.

« Je sais. Je sais que pleurer ce n’est pas bien… »

Mais il y avait depuis quelque chose qui c’était brisé en lui et ses larmes reflétaient à présent la détresse dans laquelle il se trouvait. Perdu et abandonné. Craintif et dangereux, en proie à ses débats dont il ne voulait plus. Prier ne ramenait pas les morts à la vie, ni n’effaçait les péchés d’une vie ou d’une destinée comme la sienne devait l’être… Il n’était plus assez naïf pour croire que les dieux viendraient en aide à une aberration tel que lui, et il les comprenait parfaitement, ce qui ne l’empêchait pas de croire en eux et de prier pour les autres. C’était ce que Guji lui avait apprit : blesser les autres c’était nous blesser nous même.
Il était tout près de lui maintenant, cet inconnu, tout à fait à sa hauteur et il pouvait le détailler à loisir. Il ne parvenait pas à comprendre ce qui le rendait si intimidant, il n’y avait pas que sa taille ou sa carrure d’adulte. Peut être était ce ses yeux jaunes brillant...Ou peut être était se autre chose. D’aussi près, il était difficile de dissimuler quelques choses.
Mais il y avait toujours cette raison tapit au fond de lui qui contrait cet envie de prendre cette main si grande et de ce laisser guider.

« Mais est ce que vous, vous seriez en sécurité avec moi ? » Questionna t’il gravement en plantant son regard dans celui à sa hauteur de son interlocuteur. Il se mordit la lèvre puis observa de nouveau sa main souillé de son propre sang, là où il n’y avait plus aucune blessure, puis se retint de regarder son épaule.
« Des fois… » commença t’il en murmurant. « Mon corps réagit seul, et dans ces cas là, il blesse les autres…Mais moi, je ne veux blesser personne. Moi, je ne veux pas vous faire du mal vous savez... »

Spoiler:

Pour lui, sa crainte était fondée. Dans son petit cœur d’enfant, son angoisse de blesser les autres comme il l’avait déjà fait cette fameuse nuit était censé, on ne peut plus vrai et d’autant plus dangereuse qu’il ne savait pas le contrôler. C’était un pouvoir qu’il aurait voulut ne jamais posséder. Une malédiction dont il se serait bien passé mais qui allait le poursuivre toute sa vie durant et malgré les mots de son tuteur, il ne parvenait pas à se détacher de cette peur viscérale et de ce ressentit immonde à chaque fois qu’il y songeait.
Alors sa crainte était sincère et justifiée à ses yeux et cet homme n’avait pas à en souffrir.
Mais une nouvelle fois il le rassura, lui assura qu’il n’avait rien à craindre parce qu’il avait connu une autre horreur différente et semblable à la fois. Cet inconnu, il avait vécu la guerre.
Les yeux de l’enfant s’agrandir sous l’effet de surprise de cette déclaration puis baissa la tête finalement, comprenant à moitié et pourtant peiné.
La guerre pour n’importe quel enfant, c’était un simple jeu entre copain qui ne signifiait pas grand-chose. Mais lui la guerre, il savait ce que c’était. Il savait qu’il n’y avait pas de héro mais tout un tas de mort. Lui il savait que la guerre était provoqué par les hommes qui ne s’entendaient pas ou voulaient quelques choses. Il le savait parce qu’on lui avait dit. Il le savait parce que sa famille n’existait plus à cause d’elle.

Alors la guerre il la connaissait parce qu’elle lui avait fait du mal. Même si sa famille avait tout provoquée. Et c’était triste qu’une personne comme ce monsieur ait vécu ça…Après tout, lui aussi ignorait totalement ce qu’il avait vécu et ce par quoi il était passé, mais est ce que cela le préservait tout de même ? La guerre était dangereuse alors si il avait survécut à ça, il ne craignait vraiment rien de lui ? Mais cet enfant ne s’inquiétait même pas pour lui ni de ce que ‘faire la guerre’ signifiait finalement pour cet homme qui pourrait être dangereux pour lui. Ce qui inquiétait Koma, c’était juste la vie des autres, pas la sienne que ce soit par désintéressement ou par naïveté.

« La guerre…Je suis désolé… Votre vie n’a pas dut être facile Monsieur… »

Il s’exprimait avec une triste innocence, sachant ce que signifiait le mot mais ne pouvant pas non plus savoir tout ce qu’il pouvait être pour une personne comme celui qui lui faisait face. Il connaissait juste le principale, ce qu’on lui avait dit et les propres rouages de son destin avait fait le reste.
Puis il y eut un nouveau geste surprenant cette fois si, il lui prit la main et Koma ferma les yeux violement comme pour s’empêcher de voir quelque chose qui lui ferait peur. Chaque contact avec les autres étaient devenu un nouvel assaut de crainte et il avait finit par cesser de toucher qui que ce soit, alors à cet instant, il s’était attendu à ce que son corps réponde de la même manière que la dernière fois…
Pas de cri ni d’hurlement. Rien du tout. Il y eut un effleurement puis on lui bougea son autre main. L’enfant ouvrit timidement un œil s’attendant a ce que quelque chose cloche mais il n’y avait rien. Pas d’os blanc, pas de trace rouge…Juste un mouchoir emprisonné entre ses deux mains et la douce chaleur de celle appartenant à l’adulte.
Surpris, l’enfant ne répondit pas immédiatement à la question du dénommé Kimbly et observa quelques instants de plus le mouchoir entre ses doigts et la main de son interlocuteur. Il se reprit lorsqu’il remarqua que le silence ce prolongea et en sursauta presque, éloigna par ce geste ses mains de celle de Kimbly.

« M…Merci. » bredouilla l’enfant en serrant le tissus entre ses doigts. « Merci beaucoup Kimbly-san. »

Il lui offrit un petit sourire timide en compensation. Puis naïvement, emporté par ce petit élan, il répondit à la question en oubliant les conseils que lui avait énoncés Guji :

« Je m’appelle Koma. Koma Kaguya. »

Ce n’est que lorsque le nom de ce clan disparut fut prononcé qu’il se souvint de l’avertissement du vieux prêtre. Evite autant que tu le peux de dire ton nom. Le gamin se mordit la lèvre en espérant que cet homme ne connaitrait pas le nom maudit.

Si on te le demande, ne dit pas ton nom, énonce juste ton prénom sans être plus clair. C’était l’un des derniers avertissements que son tuteur lui avaient dit avant qu’il ne s’enfuit et que la mort ne rattrape Guji. Il n’ignorait pas pourquoi. Après tout, sa famille c’était illustrer dans une guerre et le nom craint avait finit par être maudit pour lui. Alors il l’avait caché, même si il n’aimait pas ça, il avait respecté les paroles de son tuteur jusqu’à aujourd’hui. Jusqu’à cet instant. Il s’était laissé emporté et n’avait pas réfléchit à ce qu’il devait omettre face aux autres. La crainte passa sur son visage et fit tambouriner plus fort son petit cœur sans sa poitrine.

Si il connaissait son nom, alors sans doute que Kimbly-san verrait ce qu’il était réellement et il partirait. C’était peut être la meilleure des solutions, car au moins comme cela, il ne ferait de mal à personne.
Mais il ne dit rien. Il n’y eut aucune réaction décelable chez l’adulte qui prouvait qu’il connaissait ce nom et ce qu’il signifiait. Pas même un de ces regards mélangeant crainte et haine.
Au contraire, il passa outre le nom de son clan pour s’attarder sur son prénom et l’enfant en eut chaud au cœur. Lui aussi il aimait beaucoup son prénom, celui que Guji lui avait donné puisque n’en possédant plus lors de son abandon. Koma, le protecteur, l’animal qui veille sur l’entrée des temples. Et même si ce nom ne lui allait pas, il en était très fier malgré tout.
Son regard se teinta d’une nostalgie nouvelle, plus douce qui le plongeait dans des souvenirs heureux, ceux où il n’était pas un petit enfant perdu au milieu des bois.

Il redressa la tête vers l’adulte pour le questionner, avec toute l’innocence d’un enfant de son âge curieux.

« Vous n’êtes pas de ce pays Kimbly-san ? »

Inconsciemment, il se sentit moins seul, moins perdu puisque avec une personne qui était dans le même cas que lui. Un homme qui n’était plus réellement chez lui. Il n’avait pas forcément conscience de quel frontière il parlait.

« Moi aussi je ne suis pas d’ici. » murmura l’enfant comme une confession.
Il ne savait même pas où il était et ce n’était pas le nom de Oto qui lui signifiait quoique ce soit. Il hésita un instant, tiraillé entre son envie d’en rajouter et les conseils que lui avait énoncé Guji. Il retint alors sa langue en se souvenant des recommandations du prêtre et baissa la tête sur le mouchoir qu’il triturait entre ses doigts.

On disait toujours aux enfants qu’il ne fallait pas parler à des inconnus et que le danger était partout lorsque l’on était haut comme trois pommes. Lui, il ne songeait pas à cela parce que le danger, il venait de lui et non des autres. Si les autres pouvaient s’accommoder de sa présence, il lui était parfois impossible de côtoyer d’autres personnes car il pouvait les blesser. C’était ce que son esprit d’enfant pensait réellement.
Mais cet homme c’était penché vers lui. Il n’avait pas eut peur. Il ne l’avait pas mal regardé et lui avait parlé comme à un être normal, même si il ne l’était pas. Certes, il ignorait tout de ce qu’il était vraiment…
Mais un instant. Juste quelques minutes. Il voulait croire qu’il n’y avait pas de raison de s’inquiéter. Même si tout ça, ce n’était finalement que des mensonges, lui, il voulait y croire rien qu’un peu.

Alors timidement, en serrant le tissu entre ses mains, l’enfant acquiesça à ses paroles et à sa question.
Il voulait juste être un peu guidé. Juste un peu, et après, il partirait, comme il l’avait fait avant, avant de faire du mal aux autres. Il redressa la tête, remarquant que Kimbly-san ne le regardait pas en répétant tout haut ce que son corps avait dit :

« D’accord. Je vais vous suivre mais… »
Il baissa les yeux et la suite de ses mots ne dépassèrent pas ses lèvres. Peut être devait il faire un peu confiance aux capacités de l’adulte.
Mais il ne s’approcherait pas plus.
Il pouvait faire confiance aux autres, mais pas à lui-même.

«Je vais vous suivre. »

Et ils se mirent en route, l’enfant suivant un peu en retrait l’adulte qui avait décidé de le guidé jusqu’à ce lieu quasi inconnu pour le gamin. Il confiait à un inconnu son chemin, ignorant la destination finale de ce voyage ci. Lui, il n’avait jamais su où il allait, alors aujourd’hui puisqu’il était avec quelqu’un d’autre qui semblait lui ressembler un tout petit peu, il ne s’inquiétait plus autant. Tout du moins, ne s’inquiétait il pas pour ce petit bout de chemin partagé avec cet homme, prenant bien garde à ne pas rester trop près de lui par habitude autant que par crainte.
Parce que son mais venait de là. La peur de blesser restait présente et trop profondément ancrée en lui pour qu’il puisse l’ignorer, alors il valait mieux ne pas être trop près de Kimbly-san, même si celui-ci avait l’air d’être bien plus fort que lui. Le doute l’emportait sur la confiance en son propre corps.

Koma avait l’habitude du silence. Au temple où il avait vécu, celui-ci était omni présent, mais il avait appris que le silence n’était pas synonyme de mort : il y avait toujours des bruits anodins, le chant des oiseaux ou bien le bruissement des feuilles derrières lesquelles la vie se dissimulait. Mais il fut bien plus intéressé par les paroles de son guide que par les sons de la nature. Il lui contait son histoire. Une petite essence de celle-ci, résumé pour tenir en quelques lignes les milliers de pages d’une vie.
Kimbly-san avait connu ses parents. C’était un petit détail dans la première partie de cette histoire bien plus longue. Koma ignorait beaucoup de chose de sa famille, il ne connaissait que des on-dit et ne possédait aucun souvenir de sa mère ou bien de son père. Mais Guji avait remplacé un peu cette figure paternelle, l’avait modifié à sa manière pour qu’elle lui corresponde.
Mais l’adulte et lui, ils avaient dut tout les deux abandonnés leur foyer. C’était surement ça qui le rapprochait le plus de cet homme. Sauf que pour l’autre, il y avait une triste histoire derrière, un conte de sang et de combat qu’il n’avait pas subit. Et l’enfant écouta sagement toujours derrière son guide, ses doigts tenant le mouchoir qui lui avait donné en essayant de comprendre ce qu’il avait dut endurer.

Le mot monstre le fit sursauter, et il resserra son emprise sur le tissu beige de manière inconsciente.
Un mot trop souvent accolé à lui par les autres. Un mot qui lui correspondait à présent et qu’il savait sien. Seul des êtres difformes se voyait remettre ce titre craint et détesté, car pointant toute la différence d’un être face aux autres, normaux.
Lui qui était issu d’un clan de guerrier barbare, il avait finit par s’y faire, à force de l’entendre et en comprenant ce qu’il signifiait.
Est-ce que cela voulait il dire que tout ceux appartenant à la guerre, de près ou de loin, recevait ce qualificatif ?
Mais lui, il ne savait pas quoi dire après cette histoire. Il se sentait un peu démunie face à ce qu’avait du subir l’adulte et se disait que sa propre histoire paraîtrait bien stupide par rapport à la sienne. Guji lui avait toujours expliqué que la douleur ne pouvait se mesurer et qu’il ne servait à rien d’essayer de la comparer avec celle d’un autre.

« Moi, je n’aime pas la guerre…Il y a trop de vies qui sont gâchées à cause d’elle. Si elle n’existait pas, alors ils seraient peut être encore en vie… »

Si la guerre n’avait jamais été inventée, alors son clan n’aurait jamais souhaité en faire une et n’en serait pas mort. C’était un raisonnement enfantin, oscillant entre une réalité altérée et une illusion naïve. Son manque de connaissance sur son propre clan ne l’aidait pas à avoir un jugement plus véridique. Koma n’avait jamais participé à une guerre mais il savait ce qu’elle faisait : elle rendait triste ceux qui restait et faisait disparaître ceux qui partaient.
Son regard se baissa, devenant plus terne ravivé par une blessure qui elle, ne pourrait cicatriser comme sa main.

« Est-ce que c’est si important que ça de survivre… »
Chuchota t’il à peine, sa question se faisant l’écho de cette blessure qu’il ressentait malgré tout.

La question ce chassa de son esprit lorsque son guide s’arrêta pour lui signifier que leur destination était en vu. Une destination encore inconnu où il était certain de ne pas avoir sa place. De nouveau le doute envahit son petit cœur et il se sentit mal à l’aise. Arrêté à quelques pas de Kimbly-san, il se questionnait.
Ne devait il pas essayer de s’éloigner de cet endroit de nouveau comme il l’avait fait avec tous les autres endroits qui l’avait un peu réconforté, sécurisé ?
Il était presque arrivé...Dans un lieu qu'il allait devoir quitté bientôt puisqu'il n'accepterait pas les êtres comme lui. Il n'avait pas le droit de s'imposer ainsi.


« Est ce que j'ai le droit à un foyer moi...»
Un nouveau murmure. Une nouvelle question sans réponse.

Spoiler:

Ninja.
Le mot se répéta en boucle dans son esprit, s’accolant à un autre semblable pour son esprit d’enfant : guerrier. Que cela soit l’un ou l’autre, les deux signifiait pour lui la même chose : blesser, quelque chose qu’il ne voulait pas faire. Pour beaucoup d’enfants qu’il avait connu, devenir ninja était synonyme d’être un héro aux yeux des autres. Koma n’était pas du même avis qu’eux. Lui, il partageait davantage la crainte des adultes parlant avec angoisse de ses assassins de l’ombre.

Alors Kimbly-san était un de ces êtres ?
L’enfant c’était toujours fait une idée bien à lui des ninja. Pour lui, ils n’étaient pas des êtres normaux et il pensait naïvement que ce qu’ils étaient se verrait au premier coup d’œil et permettrait de les identifier. Il savait bien peu de chose sur cette caste qui n’était finalement, pas bien différente de lui. Après tout, sa famille faisait partie de celle-ci, alors il devait leur ressembler…
Mais Guji lui avait toujours dit que le plus important n’était pas d’où l’on venait mais ce que l’on décidait de faire. Et lui, il ne voulait pas blesser les autres. Si devenir un ninja était la condition pour avoir un foyer, alors il préférait rester seul pour toujours.
Koma recula d’un pas, puis d’un second, secouant la tête de droite à gauche pour signifie son refus en attendant que sa gorge ne laisse les mots exprimer son point de vue. Il observa l’homme d’un regard presque blessé, peiné, comme un petit animal sur lequel on venait de jeter un filet et qui voyait ses espoirs anéanties. Sa tête lui faisait mal.

« Je…Je ne veux pas ! »
L’avait il écouté plus tôt lorsqu’il disait qu’il ne voulait blesser personne ? Lorsqu’il avait dit qu’il n’aimait pas la guerre ? N’avait il pas le droit d’être un enfant comme les autres ?
Et puis la réponse vint d’elle-même dans son esprit : Non. Un simple refus net et concis. Il n’avait pas le droit car il n’en était pas un. Il était différent, anormal par rapport à tous ces êtres innocents qui n’avait pas le pouvoir de faire du mal. Il en vint, un instant, à jalouser tous les autres qui n’étaient pas déformés comme lui l’était. Et il se dégoûtait, autant pour cette pensée puérile que pour ce qu’il était. Fermant les yeux, l’enfant secoua une nouvelle fois la tête, davantage pour ôter ces pensées de son esprit que pour refuser l’offre.

« Je ne veux pas blesser…Je ne veux pas faire de mal…Même si je suis fait pour ça, même si ils étaient comme ça, Moi, je ne veux pas… »

Il était dangereux. Il le savait, le faisait comprendre dans son comportement à rester à l’écart des autres, pour ne pas les blesser. Blesser les autres signifie te blesser toi-même. C’était l’une des choses qu’il avait appris au contact de son tuteur. Il n’aimait pas voir les autres mal, et en cela, ne voulait pas devenir l’un de ceux qui avaient l’obligation de le faire.
Lui, il n’était pas comme son clan…Il ne voulait pas se battre.

« Alors tant pis…Si pour avoir un endroit à moi je dois blesser les autres, ça n’en vaut pas la peine. »

Cet endroit, il n’était pas fait pour lui. L’enfant se mordit la lèvre, un peu peiné par ses mots qu’il trouvait durs et capricieux. Le moment avait perdu de sa magie, et à présent, il se trouvait plus froid qu’avant la rencontre avec cet homme. L’espoir était une petite lumière chaleureuse, mais il devait savoir qu’il n’en avait pas le droit indéfiniment. L’enfant chancela un instant, sa vue se faisant trouble puis se reprit après avoir fermé les yeux. Mais alors qu’il allait s’éloigner de ce village et de celui qui l’avait guidé jusqu’ici, un nouveau vertige le prit.

Il avait trop forcé.
Son petit corps trop affaiblit n’avait tenu que par la volonté et à présent que celle-ci se retrouvait mise à mal, la fatigue se retrouvait de nouveau sans barrage pour la contenir. Il en avait juste assez. Assez de marcher, assez de fuir, assez de survivre pour tenir une promesse. Et son esprit, incapable de lutter contre son corps céda tout à coup, emportant dans l’inconscience le petit garçon épuisé aussi bien mentalement que physiquement.

Il s’évanouit avant d’atteindre le sol.

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