Il est trop tard désormais pour revenir sur mes pas. Sur le chemin de l'exil, je suis venu me receuillir au bord du lac endormi, au pays de l'eau. J'ai passé les dernieres années de mon existence à érrer, pour finalement me retrouver ici, que ce soit avant ou après chaque exil, chaque meurtre, chaque carnage. Ce lac isolé est le seul endroit que j'ai trouvé en parcourant le monde entier à la recherche d'un fragment de silence...Et peut être que je reviens car je pense à Linoa, car c'est aussi ici que j'ai un jour dispersé ses cendres au vent. Assis au bord du lac, au bord du gouffre au bord des larmes, j'avoue que je souffre car aujourd'hui je ne côtoie plus les femmes de konoha...Tu les trouvais louches, elles en connaissent un rayon ; je me rends compte peu à peu qu'elles n'ont pas une bouche mais un taille crayon...Tu voulais mourir de mes mains n'est-ce pas ? Tu savais que je te donnerais la mort au lieu de te donner du temps. Remplir ma mission, quel qu'en soit le prix à payer, le sacrifice à faire, tel était mon nindo à cette époque. Ton innocence m'a transperçé le coeur, le creux de nos pas était un paradis sur terre, et je me plaisais à t'emerveiller chaque jour qu'il m'était donné de passer à tes côtés...Y'a t-il encore une seule cendre de bien en moi ? Voilà des années que mes flammes n'ont servies qu'à tuer, incendier, détruire, effrayer...J'en oublis parfois que j'ai été un jour un ange protecteur et aimant, au contraire de cet être qui arbore ces ailes noires et scarifiées qui sont miennes désormais.

Adossé à mon rocher, je n'ai d'yeux que pour la pleine lune, qui me ramène ces nuits féériques durant lesquelles Linoa était mienne, l'espace d'un instant, l'espace de quelques heures qui passaient en un éclair, ces années qui sont passées bien trop vite ; si bien que l'éternité semble pouvoir se dérouler en une seule et unique seconde... Là où même la réalité porte bien au delà de l'horizon qui emprisonne nos rêves...Sous ses vents glaçés qui réchauffent le coeur, je suis un ange. Je voyais toute ma vie future défiler dans la minute d'après, je voyais des lendemains pleins de promesses, des lumières, des étincelles, nos souffles harmonisés dans une symphonie qui nous envole vers l'infini. Dans chacun de tes baisers, Linoa, j'ai vu de l'or. Dans chacun de tes soupirs j'ai porté le manteau de tes bras, ce linceul qui ne laisse passer que le froid qui apaise mes craintes et ma peur des vivants. Et c'est alors que dans un ultime soupir aux allures de fin du monde, j'ai entendu les étoiles murmurer nos noms, avec jalousie, car nous étions sur le chemin qui s'élève loin au dessus d'elles...Une traversée si éphémère que nous aurions tout fait afin qu'elle se prolonge à jamais.

Je n'ai que la brume pour compagne ce soir, elle m'étreint et me berçe, et semble même verser des larmes de tristesse à ma place, consciente que mon visage ne laisse plus de place pour cela. Qui suis-je maintenant que tu n'es plus là, Linoa ? Qu'importe l'endroit où mes pas me mènent, lorsque je cesse de fuir je ne rencontre que ton souvenir. Avec cette impression d'être un meurtrier sanguinnaire, un voleur, un mendiant, un dechet...Cette impression d'être une guerre, qui ne se terminera pas dans la paix. Qui suis-je devenu, pour avoir à livrer un combat perpetuel pour être, tout simplement...Combien encore devront mourir ou pire encore vivre dans la souffrance afin que je puisse redevenir cet homme que tu as un jour aimée ? Dans ce miroir d'onde qui s'étend face à moi, je ne vois plus mon reflet. Et tu n'y verrais pas l'homme que tu emmenait au fond de lui même, et qui grâce à toi aimait ce qu'il y voyait. Il doit surement y avoir quelqu'un, hors d'ici, qui puisse me sortir de mon agonie sans fin...Tu es partie à la rue, t'es exilée de notre foyer pour moi, pour me protéger. Tu as tout risquée et tout perdu ce jour là, tu as quittée mes bras, simplement pour mettre au monde le fruit de l'amour qui s'appelait toi et moi. Et je suis persuadé que, fesant l'impasse sur tout cela, tu ne regrette rien, que tu as l'impression de me revoir parfois, même si les années perdues ne se ratrappent pas.

Maintenant j'ignore et ne comprends plus toute cette haine que le monde te porte et pas à moi. Car désormais je ne ressens ni honte, ni gène, ni colère, et j'ai même un peu de fierté lorsque je remarche dans le creux de tes pas, lorsque je prononçe ton nom, simplement ton nom...Linoa. Tu disais toujours que je m'évertuais à t'aimer pour des qualités que tu n'as pas. Notre monde est merveilleux n'est-ce pas? Quand je pense à toi, quand je vois ton reflet dans ce lac, Linoa...Je me sens vieillir de dix milles ans. Je me sens aigri et prétentieux, car c'est bien plus qu'un fossé qui sépare mon assurance de ton humilité. Mais voilà, si la vertu se plait en toi, le sort que semble réserver la vie à nos coeurs est bien plus dur...Mais quand bien même nous devrions traverser un champ de bataille pour saisir notre amour, quand bien même nos coeurs seraient frappés, déchirés et épuisés, n'est-ce pas la soif d'amour qui devrait nous faire avancer ? Pas la peur...Je sens un frisson me parcourir de part en part. Qu'importe, qui que ce soit je reste seul après tout.