Les bois étendus des frontières, sur lesquels l'aurore faisait baigner son orée sanglante, se voyaient mués en un simulacre de mort lancinante et oppressante, alors que ses couverts feuillus habritaient la course de son plus grand serviteur et vecteur sur la Terre. Ses souliers éméchés, partant presque en lambeau, battaient un tempo lugubre sur la surface des écorces. Ses longs cheveux d'un rouge aussi profond que la vie flottaient dans l'air, emportés par l'allure soutenue de son envolée dont on aurait dit celle d'un ange déchu. Cependant c'était la plus grande félicité qui l'habitait, alors que la vue du soleil couchant, pliant face à l'obscurité, faisant se propager d'ultimes rayons d'un orange profond et mélancolique, l'enchantait de la plus belle des façons. Dans les replis de son vêtement, un trésor de connaissance, pillé aux mains d'arrogantes brebis, alimentait sa joie avec autant de puissance. L'air autours de lui empli de sang créait une aura sinistre, malfaisante et aérienne, prête à s'abattre n'importe où.

C'était un jour faste qui s'achevait, presque intemporel, marqué du sceau de la divinité dont Yanosa était le tampon.



A l'opposé, pour la contrée qu'il était sur le point de quitter, il devait probablement s'agir du début d'un long deuil et d'écueils politiques à n'en plus finir. Et comme par désespoir, ou par ultime volonté revancharde inconsidérée et hâtive, le Pays du Feu avait envoyé aux trousses de leur sombre malfaiteur une escouade de trois Shinobis afin de le capturer, de le juger pour ses crimes, et sans doutes bien d'autres choses encore. Cela, le jeune Nukenin en avait bien conscience, la présence de ses poursuivants derrière lui lui procurant par là même beaucoup de plaisir. Depuis des heures, ils cavalaient presque ensembles, dans un rythme immuable, comme une souris pris en chasse par une meute de chats dans un cartoon dont tout spectateur connaissait déjà la fin. Ironique, que tant d'émules soient mises en branle pour un crime dont il n'avait nul revendication à faire à l'instant, son esprit étant exclusivement tourné vers le succès de son larcin. Mais, toute plaisanterie ayant une fin, il fallait aussi que cette course sans but touche à la sienne. Une impulsion obliquée du pied gauche suffit, pour amener le Jashiniste jusqu'au sol, la pointe de son épée massive raclant la terre battue d'où émergaient sporadiquement des traces de verdure.

Dans un mouvement de demi tour posé, la main recouverte de sang séché du jeune homme alla comme s'insérer dans le pommeau de la lame, telle une déstinée accomplie. Cela n'allait plus tarder maintenant, pensait-il. Et il ne fallut en effet qu'une poignée de secondes pour le groupuscule de poursuivants pour arriver. Yanosa était déçu. Il s'était vraiment attendu à apercevoir les masques si caractéristiques de l'unité d'Anbu de Konoha, mais il ne put que poser son regard dur sur les visages de jeunes Ninjas, peut-être expérimentés, mais certainement pas faisant parti d'une élite.



" -Tu es cerné, rend-toi ! lança le premier, Katana à la main

- Hu ! Votre existence, je ne la tolère que parce qu'elle hisse la mienne auprès de Dieu ! Vous n'êtes rien... Et pourtant... De ce rien je vais retirer une essence qui vous échappe complétement...

-Je le répèterais pas ! Rend-t... "



Le souffle d'un effort musculaire subite empêcha l'homme de terminer son second coup de semonce, un énorme morceau de métal travaillé en forme d'épée se plantant là où il reposait sur ses pieds un instant plus tôt. Que celui-ci meurt vite, pensa Yanosa, qu'il meurt vite et que les deux autres surtout fassent leur preuve... Les deux mains sur le manche imposant de son arme, le Jashiniste exécuta un vif mouvement de rotation, afin de cueillir le Ninja du plat de sa lame, ce qui ne manqua pas. Trop sûr de son mouvement d'esquive, le jeune homme se vit propulsé loin, très loin, pour finalement se rétablir difficilement sur l'écorce d'un arbre. Un nouveau combat commençait, une nouvelle pluie de sang, qui finirait aussitôt. Tandis que le plus imposant des deux autres combattants de la Feuille se rapprochait, mudras en exécutions, le troisième et dernier larron se faufila dans le dos de Yanosa, échangeant de maigres et insipides paroles avec le premier blessé. Le Jashiniste cependant n'allait pas attendre qu'ils retrouvent leurs esprits, et se dirigea sans autre once de procès vers le grand homme dont le Jutsu finit par poindre. Sous les pieds de Yanosa, la terre gronda soudain, faisant émerger des colonnes de terre massives, qui le propulsèrent en l'air, le transperçant par endroit, lui arrachant de terribles rires, à glacer le sang des moins aventureux. L'homme au katana voulu saisir cette opportunité, ce moment apparent de faiblesse pour ceuillir le Nukenin dans les airs, afin de le pourfendre.

C'est ainsi que le premier Shinobi trouva la mort, une mort violente qui vint arracher au corps du malheureux du sang par lampées. Jamais séparé de son épée, Yanosa avait eu vite fait de lire le mouvement du jeune homme. Comme une spirale, son corps tout entier pivota dans les airs, faisant suivre l'objet de mort dans la foulée. Le katana brisé retomba légèrement au sol, témoignant de son implicite fragilité face à la force brute et bestiale du Nukenin, bientôt suivi par le corps presque désunifié de son propriétaire.



" Kenjiiii !! Nonnnn !! "



Le cri s'éleva dans les airs comme une complainte mortelle, alors que l'évidence de la mort frappait, peut-être pour la première fois, dans l'esprit scarifié par la douleur se son compagnon. Alors que l'instigateur du jutsu Doton gardait sa tempérance dans la mouvance sans cesse renouvellée du combat, il paraissait être le seul à réellement réfléchir aux conséquences d'émotions trop vives au sein d'une bataille... La vie était une chose si fragile et ténue.. Ces guerriers avaient beau en avoir eu conscience, cela ne leur avait pas pour autant inculqué à la préserver. C'était face à l'instigateur de la mort qu'ils se trouvaient, et rien ne pouvait plus empêcher celui-ci de faire son oeuvre.

Ramenant ses pied au sol, le Jashiniste lança littéralement son arme en direction du plus frêle des deux survivants, se propulsant dans la direction opposée, vers le Shinobi aux larges épaules, Yanosa avait l'espoir de livrer une joute physique digne de ce nom. Les coups s'échangèrent à toute vitesse, et avec lourdeur, les poings brisants les côtes, et créant des ékhymoses à de multiples endroits. Le Ninja de Konoha se défendit bien. Son esprit semblait aussi aiguisé que son corps, mais à un tout autre niveau que celui de Yanosa. Bien vite, l'ascendant fut saisi par le jeune Nukenin, qui coup après coup, faisait couler toujours plus de sang béni sur la peau fragile de celui qui était déjà le dernier membre du trio de la Feuille, sans même que Yanosa le sache. Le visage fut balayé, le torse rompu, et toute vie s'envola. Voulant prolonger le plaisir, quelle ne fut pas la déception du Nukenin, lorsqu'il vit son épée figée, dans le torse du Shinobi resté en arrière. C'était déjà fini. Le pauvre garçon s'était vu empalé, puis ejecté par la force de l'impact sur l'arbre derrière lui, lui même transpercé par la lame à son tour. Son visage figé en une expression d'incompréhension, ses yeux restèrent ouverts, regardant droit devant lui, blême.



L'épée fut délogée promptement par son propriétaire, qui se hâta d'aller achever pour de bon le plus méritant des trois, pourfendant son corps rampant, appelant à une vie qui ne lui appartenait déjà plus. Les replis de verdure furent recouvert de rouge, et la forêt retrouve son calme naturel. Il était temps, pour la Mort essouflée, de reprendre sa route. Il n'était plus très loin. Et pourtant, une idée soudainement, le priva de l'envie de quitter les lieux. A présent qu'il n'était plus poussé par le temps, il pouvait s'adonner aux expérimentations les plus folles que lui insuflait Jashin, son Maître. Revenant auprès du guerrier dernièrement amené à la mort, Yanosa s'agenouilla. Il voulait essayer, oui, pour jouer toujours un peu plus avec la vie de ses proies.

Ses mains ouvertes s'apposèrent sur la carcasse que toute âme avait quitté. Fermant les paupières, le Jashiniste se remémora, dans les détails les plus pointilleux, les explications que lui avait fournie la jeune et frêle Kahera, lors de leur entrevue prolongée et macabre. Ce Jutsu qu'il convoitait comme un objet précieux, tout comme le Kage Bunshin l'avait invité à l'assimiler, il allait essayer pour la toute première fois d'en exécuter un bref jet d'essai. Comme le premier trait que l'on traçait sur une toile, rapide à rectifier, anonciateur tant de bien que de mal, et fondateur. De ses tréfons, Yanosa tentait de faire appel à ce sentiment, indispensable d'après la Kunoichi de Suna, cette attitude d'abnégation totale qu'il fallait adopter, afin de le transformer en le pouvoir qu'il désirait. Ce n'était qu'une histoire de flux physique, pur et sans altération, et pourtant, à mesure qu'il tentait de faire couler ce flux de son corps jusqu'au cadavre devant lui, un mur sembla s'ériger. Entre lui, et la victoire. Bien vite, le jeune homme s'aperçu qu'il faudrait bel et bien plus qu'une simple motivation pour alimenter un tel Jutsu. La volonté d'abandonner sa vie devait être totale, de l'abandonner à autrui. Or, il n'y avait qu'à Jashin que le Nukenin acceptait un tel don sans borne. La poursuite de cette tentative était prématurée, pensa-t-il... Mieux valait rejoindre la grotte surélevée dans laquelle il avait laissé Kahera, et, qui sait, peut-être, en apprendre plus.

Yanosa en vint à se demander, durant ces deux jours, ce qu'il était advenu d'elle... Avait-elle bel et bien survécu, ou bien s'était-elle laissée emporter par la fatigue extrême qui l'avait étreinte ? Cela, il le découvrirait bien assez tôt. Le "repère" n'était qu'à quelques kilomètres à peine. S'éloignant nonchalament du corps expérimental, laissé à l'abandon, le sombre serviteur de Jahsin se remit donc en route. Calmement, froidement. Et pourtant, avec un sentiment d'accompli au ventre, une joie qu'aucun autre être humain ne devait avoir jamais ressenti. Une Félicité telle qu'on en mourrait...