Parc du Soleil, Midi.

"Nyaaaaaah !"

Le visage assez laid d'une vieille dame sortit Ginko d'une torpeur temporaire. Son vieux regard ridé mais interrogateur comme celui d'un enfant en disait long sur ses intentions : elle lorgnait sur le sac à dos du pharmacien. D'une main ferme, il signala à la femme d'aller ailleurs, au travers de va et vient, car rien ne serait pour son plaisir, c'était une certitude. L'œil triste, elle tourna le dos au pharmacien tranquillement installé sur une butte spontanée, occupant a merveille un rôle central dans le parc du soleil, permettant de contempler une partie du village de la feuille.



...



Le soleil contraint par des nuages ne montrait qu'une face voilée et terne, donnant à l'heure du repas un radieux mitigé. Dans le parc, les allées et venues se raréfiaient, on préférait en effet rester tranquillement sous l'égide d'un toit paisble face à un temps si ambigu que celui qui surplombait le village caché de la feuille... On prévoyait des pluies, s'improvisant météorologue, avec un sens commun inégalé.

Passant sa main sur ses cheveux blancs, Ginko repensait à tout ça. Comme l'acteur d'une pièce de dramaturgie, il retraçait virtuellement la route à suivre, plan prévu à la lettre, comme s'il devait se répéter cent fois son rôle avant d'entrer en scène.

Fouillant dans la grande poche de sa veste, il sort une seringue emplie d'un liquide violet étrange. Le liquide circule immobile dans la seringue, transition entre une inanité et le salvateur qu'il contient. Un médical nin d'expérience y reconnaitrait probablement de l'essence d'herbe de chicotin, anti-poison très rare qu'on ne trouve que dans le sud du pays du Thé.

L'œil déterminé, ou plus ou moins sûr d'avoir attendu assez, l'homme se leva d'un geste lent et souple, et laissa sa main caresser l'ouverture du premier compartiment de son meuble de pharmacien. Probablement, personne ne le suivait, ni l'observait au loin. Le simple fait qu'il représentait la guilde des pharmaciens suffisait à conforter tous les ninjas alentours quant à l'idée que l'homme était un altruiste bon.

Un enfant courant après un ballon lui adressa un regard interrogateur. Un de plus. Ginko, souriant, fixait le garçon à son tour avec une certaine pitié. S'approchant de lui, il posa sa main sur ce petit crâne en disant d'une voix avenante et douce.

Mieux, il chuchotait dans le creux de cette petite oreille d'innocence :

"Va prévenir ta famille, dis leur de partir vite du village... Préviens aussi tous tes copains favoris, car dans quelques secondes, rien n'ira dans le village caché de la feuille... Tu veux bien ?"

Il souriait paisiblement.

A peine eut t'il retiré sa main que le visage crispé du gamin se changea en pleurs puissants et déroutants. Ginko souriait tout en rejoignant son petit meuble tandis que le petit courrait à toute hâte, ballon sous le bras, en direction de la sortie du parc ou l'attendait sa mère inquiète de ce changement soudain d'humeur.

Composant des signes de mains extrêmement rapides d'une main, posa sa main au dessus du meuble, laissant naitre des sceaux de toute part du meuble de bois.



"Trois destins s'ouvrent ici sans que ne surviennent les Shikis...
Laisse émaner ton pouvoir sombre, tandis que je t'invoques d'une voix téméraire...
Le ballet des astres soufflera une fois encore,
Shiki, crache ton désespoir festif."



D'une voix caverneuse, il râle, donnant à l'air alentour une lourdeur étrange. L'ouverture de trois tiroirs se fait dans une successions sèche et assurée. Personne autour pour le déranger, le parc est bien trop paisible, et le village trop en paix...

Les mantras qu'il prononce, langage pur de l'invocation, font écho avec l'atmosphère qui s'allourdissait de façon tangible.



"Shichi,
shiki wa kû ni koto narazu,
kû wa shiki ni koto narazu,
shiki wa sunawachi kore kû,
kû wa sunawachi kore shiki,
jûsôgyôshiki mo mata mata kaku no gotoshi..."

(Traduction : Shichi, les formes ne sont pas différentes du vide, le vide n’est pas différent des formes, les formes sont le vide, le vide est les formes. Il en va de même des sensations, des perceptions, des constructions mentales et des consciences.)



A ces mots, rien d'apparent : en effet, rien ne semblait se passer au premier abord... Jusqu'à ce que le village entier semble s'agiter au loin, face à une fumée dense qui prenait lentement son envol. L'homme venait d'activer les plantes qui désormais commencèrent leur œuvre destructrice.



"Shichi,
kono shohô wa kûsô ni shite,
shô zezu,
metsu zezu,
akatsukazu,
kiyokarazu,
masazu,
herazu,
kono yueni kûchû ni wa shiki mo naku, jusôsyôshiki mo naku."

(Traduction : Shichi, tous ces éléments ayant l’aspect du vide, ils n'apparaissent, ni ne disparaissent, ils ne sont ni souillés, ni purs, ils ne croissent, ni ne décroissent. C’est ainsi que dans le vide, il n’y a pas de forme ni de sensation, de perception, de construction et de conscience.)



A peine eut t'il prononcé le dernier mot de l'incantation que du deuxième tiroir émana une seconde fumée légère qui s'étendit sur une surface relativement grande. Maintenant, les actions de l'homme ne pourraient plus passer inaperçu pour ceux qui étaient dans le parc, mais déjà fallait t'il que leur attention se dirige vers lui... Tous les ninjas seraient alerté ? Peu importe, le plan avait commencé, et cette fumée n'était pas qu'une simple décoration d'illusionniste. De plus, tous semblaient voués à cet incendie inquiétant.



"Mumyô mo naku,
mata mumyô no tsukuru koto mo naku,
naishi rôshi mo naku, mata rôshi mo tsukuru koto mo naku,
kushûmetsudô mo naku,
chi mo naku mata toku mo naku,
shotoku naki o motte no yueni."

(Traduction : Il n’y a pas d'ignorance et non plus cessation de l’ignorance et ainsi de suite il n'y a pas de vieillesse ni de mort et non plus cessation de la vieillesse et de la mort. Il n’y a pas de souffrance, d'origine, d'extinction ni de chemin. Il n’y a pas de connaissance et pas plus d'obtention car il n'y a rien à obtenir.)


Cette fois, la fumée était beaucoup plus dense. Comme une explosion gigantesque, mais sans la moindre déflagration ou violence. Ce troisième tiroir marqua la fin de l'exécution de la seconde partie du plan... Tout le village pouvait maintenant voir planer au dessus de lui un nuage gigantesque, au grisâtre lumineux. Rien d'effrayant au premier abord, si ce n'était que ce gros cumulus s'était formé en quelques secondes, et n'était pas très haut dans le ciel en comparaison à ses confrères véritables.

"La première partie du plan à fonctionné sans accroc, et la seconde se révéla aussi simpliste que la première... Je vais pouvoir désormais passer à l'ultime phase du plan, en espérant que le lapin rouge ait bien fait sa part du travail...

Oui, le plan était simple, au fond...

Entrer à Konoha sous les traits d'un médecin, fournir de faux stocks d'antidotes, et remplacer les véritables... Après cela, rependre un poison au dessus du village, et forcer les villageois à subir eux même le courroux de leur propre négligence... Si lapin rouge exécute un grand nombre de médecins, les villageois ne pourront pas faire face au mal qui vient de naitre ici..."

Monologue, soliloque, il parlait et évoquait le plan au vent, comme pour le prevenir qu'il serait l'agent même du transport de ce mal à venir...
Sans médecin, les ninjas de Konoha ne pourraient que difficilement identifier la cause du mal et la façon de s'immuniser contre un virus aéroporté. Les compétences alchimiques de Ginko transparaissaient ici, profitant de l'héritage des guerres des démons. Sokou, le Yonbi, était connu pour générer des gazs semblables, et cette légende inspira ainsi les médecins et alchimiste, donnant naissance à des fumigènes de poison. Mais ces fumigènes légers et utilisables par tous n'était qu'une petite partie des trouvailles scientifiques. Plutôt que de s'arrêter là, la science suivait son court habituel morbide, développant au maximum les capacités d'une idée si anodine. Le mélange de la maitrise du Fuuin et des Médical Ninpô permettaient ainsi de confronter deux sphères distinctes, jutsus médicaux en tant que figure du soin altruiste ou de la connaissance du corps de l'autre, et les Fuuins comme catalyseur d'une puissance plus soudaine et implosive.

A l'hôpital, Aka Usagi était parvenu à brûler les réserves d'anti-poison neurologiques. Ainsi, il parvint à ôter une aide considérable lors de ce qui s'annonçait comme un combat inégal, les éléments contre l'humain, la nature altérée contre des hommes impuissants devant la conséquence de leurs propres créations.

Le gaz s'était rependu dans le village. Désormais, Konoha était sous l'emprise d'un gaz inodore, presque imperceptible, mais aux effets latents dévastateurs.

Fait intéressant à noter : dans des contrées lointaines, cette technique de siège avait été utilisée lors du Bakumatsu qui suivit la mort du jeune Hantei XIII...




Comment les ninjas sauront t'ils réagir face à une menace invisible ? Jusqu'où leur mèneront leurs quêtes contre le temps ? Leurs instants sont désormais comptés...

Spoiler:

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